Sur les réseaux sociaux, des Chinois dézinguent la "nourriture des Blancs"

June 19, 2023
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Temps de lecture: 2 min — Repéré sur The Guardian

Vous voulez ressentir ce que ça fait d'être mort ? Pour cet internaute du réseau social chinois Weibo, il suffit de goûter à ce fromage et ce jambon industriel tranchés, accompagnés de quelques crackers, disposés dans leur barquette plastique.

Cette photo et son commentaire cynique ne font qu'alimenter une tendance devenue virale, décortiquée par The Guardian. Sur les réseaux sociaux, les internautes exposent et lapident sur la place publique numérique le «báirén fàn», soit la «nourriture des Blancs».

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Qui ne s'est jamais vu reprendre par l'injonction morale qui consiste à regarder son assiette plutôt que celle des autres? Pour les internautes chinois, ce n'est ni le désir ni la jalousie qui les mène à commenter la lunch box de leurs collègues ou de leurs pairs étudiants. C'est plutôt leur étonnement, et finalement, leur mépris, devant ces ingrédients crus et bruts qui n'ont pas été cuisinés ou assaisonnés.

Une source de souffrance

La tendance commence avec une vidéo postée sur Weibo, montrant une femme qui prend son déjeuner dans un train en Suisse. Au menu: une salade iceberg encore dans l'emballage, une tranche de charcuterie, et une goutte de moutarde sortie de son sachet de cantine. Pour les usagers du réseau social chinois, c'est la goutte de trop: des centaines d'internautes partagent la frustration qu'ils refoulaient depuis longtemps et lâchent leurs meilleures anecdotes en commentaires.

L'un d'entre eux raconte son arrivée en Australie: «J'ai vu une femme acheter des champignons crus, déjà tranchés, au supermarché. Puis je l'ai vu s'asseoir pour les manger. J'étais abasourdi.»

Depuis que la parole s'est libérée, le phénomène a même été théorisé de diverses manières.

L'utilisatrice de TikTok @li2dog décompose ainsi la «nourriture des Blancs» en trois parties. Tout d'abord, celle-ci n'a pas de goût, ni d'épices. Par conséquent, cela revient à donner «zéro sentiment à la nourriture» parce qu'elle ne comporte pas de plaisir. Deuxièmement, elle implique le moins de préparation possible: «Mangez-la crue, mangez-la brute», indique-t-elle. Et troisièmement, c'est le genre nourriture qui est consommée au travail ou à l'école. «L'idée, c'est qu'en sortant du travail, vous reprenez des repas normaux, et vous retrouvez, ainsi, la vie.»

Sur TikTok, Marcelo Wang tente d'expliquer que cette incompréhension des déjeuners sobres vient du fait que les Chinois utilisent beaucoup d'ingrédients: manger sans cuisiner n'a donc non seulement pas de sens, mais est une source de souffrance, voire, de masochisme.

Un blogueur propose même une interprétation, somme toute anthropologique, en supposant que ces déjeuners «ne sont pas là pour être appréciés, mais bien pour éprouver de la culpabilité. [...] De cette manière, je peux toujours me rappeler que je suis d'abord là pour travailler.»

«Quel est le sens de la vie si ce n'est pour manger que ça?», s'interroge un autre internaute. Peut-être de la croquer, comme dans une pomme ou une carotte, à pleines dents?

Source: Slate.fr