En Italie, la droite de Giorgia Meloni investit le monde de la culture

June 19, 2023
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Le ministre italien de la culture, Gennaro Sangiuliano, devant le palais du Quirinal après sa prestation de serment, à Rome, le 22 octobre 2022. ELISA GESTRI / ELISA GESTRI/SIPA USA VIA REUTERS

Construit à la marge de l’Italie républicaine, le monde politique autrefois ultraminoritaire de Giorgia Meloni est confortablement installé au pouvoir huit mois après une victoire électorale nette. La coalition de droite dominée par son parti, Fratelli d’Italia, est fermement tenue. L’assise de la présidente du conseil dans l’opinion ne fléchit pas et l’opposition continue de se diviser. Pourtant, pour la cheffe de file de la droite nationale-conservatrice et héritière de la tradition politique post-fasciste, la victoire ne serait pas encore totale. Un des lieux du pouvoir résisterait encore. « Je veux libérer la culture italienne d’un système dans lequel on ne pouvait travailler qu’en se déclarant d’un certain camp politique », a ainsi déclaré la présidente du conseil lors d’un meeting politique à Catane, le 26 mai, faisant référence à un monde culturel qui serait encore la dernière citadelle de la gauche.

Le récit appelant à l’émergence d’une nouvelle classe dirigeante « méritocratique et pluraliste », face à une élite de gauche « intolérante », est un trait classique des discours culturels de la droite mélonienne. Mais les promesses de libération formulées par Mme Meloni ont pris une résonance particulière fin mai. Après une série de polémiques sur le salon du livre de Turin, puis l’annonce de changements droitiers à la tête de l’audiovisuel public et le départ de présentateurs emblématiques, l’atmosphère était alourdie par la relance du débat sur l’« hégémonie culturelle » revendiquée autour de l’exécutif.

Emprunté à l’intellectuel communiste italien Antonio Gramsci (1891-1937), ce concept est au cœur de l’approche du ministre de la culture, Gennaro Sangiuliano. Détenir l’hégémonie culturelle revient théoriquement à maîtriser les forces de persuasion permettant d’obtenir le consentement d’une société à un changement politique. Dans les diverses familles des droites radicales italienne mais aussi française, la construction d’une hégémonie culturelle, dont le contenu peut varier, est conçue comme un impératif inséparable de la conquête du pouvoir.

Dans le cas de l’Italie de l’ère Meloni, le ministre Sangiuliano a appelé au développement d’un « nouvel imaginaire italien » alliant la défense d’un certain conservatisme moral, présenté comme consensuel mais attaqué par les minorités, et la réhabilitation d’un sentiment national que l’histoire récente aurait étouffé. Une telle démarche, régulièrement énoncée mais encore dépourvue de traduction concrète, impliquerait l’idée d’une politique culturelle résolument conservatrice ayant vocation à favoriser la création d’œuvres en résonance avec les orientations du pouvoir sorti des urnes. Construire l’hégémonie culturelle reviendrait donc à mettre les idées avant les contenus, la doctrine avant la création.

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Source: Le Monde