dix travailleurs sans papiers assignent des géants du BTP devant les prud'hommes

June 20, 2023
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Ils dénoncent leur "exploitation" sans contrat de travail, ni fiche de paie, a appris franceinfo mardi. Ces ouvriers demandent des comptes à huit sous-traitants, mais aussi aux quatre géants du BTP - Vinci, Eiffage, Spie Batignolles et GCC -, à la tête des chantiers des Jeux olympiques 2024.

Dix travailleurs sans papiers, ayant travaillé sur les chantiers des Jeux olympiques de Paris 2024, assignent des géants du BTP devant le conseil de prud'hommes de Bobigny (Seine-Saint-Denis), selon les informations de franceinfo mardi 20 juin. Ces ouvriers pointent le fait d'avoir travaillé sur les chantiers des JO, notamment le village olympique, sans contrat de travail, sans fiche de paie, sans congés payés ni heures supplémentaires. Aujourd'hui régularisés, ils dénoncent l'"exploitation" dont ils disent avoir été victimes, se comparant aux travailleurs des chantiers du Mondial au Qatar.

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Originaires du Mali ou de République démocratique du Congo, ils vivent en France depuis plusieurs années. Ils demandent des comptes à leurs anciens employeurs directs, huit sociétés sous-traitantes, mais également aux quatre géants du BTP, Vinci, Eiffage, Spie Batignolles et GCC, les donneurs d'ordre des chantiers sur lesquels ils travaillaient.

"Si tu n'es pas là lundi, tu prends tes affaires"

"Tout le monde savait que je n'avais pas de papiers. Et c'est Spie Batignolles qui commande sur le chantier", témoigne Moussa, l'un des travailleurs. "Un jour, j'avais mal au genou. J'ai demandé à mon patron si je pouvais prendre un ou deux jours de repos. Il m'a dit : 'Si tu n'es pas là lundi, tu prends tes affaires'. J'ai dû continuer à travailler malgré la souffrance. La France n'est pas mieux que le Qatar."

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Ces ouvriers expliquent qu'ils ont dû acheter eux-mêmes leur matériel de protection. Selon la CGT qui défend ces travailleurs, les entreprises donneuses d'ordre, comme Vinci ou Eiffage, sont responsables, car le code du travail impose aux donneurs d'ordre de contrôler ce qui se passe sur le chantier. "On nous avait promis des chantiers des JO exemplaires, rappelle Richard Bloch, de la CGT. Finalement c'est pire qu'ailleurs, car il y a un impératif politique : il faut que les chantiers soient livrés en temps et en heure. Donc les sociétés mettent en œuvre tous les moyens légaux ou illégaux pour livrer dans les temps." Le syndicat évalue à une centaine le nombre d'ouvriers dans cette situation. Mais la Solidéo, la Société de livraison des ouvrages olympiques, parle de moins d’une centaine de cas repérés malgré 850 contrôles.

Audience en octobre

Sollicitées par franceinfo, Vinci et Eiffage n'ont pas répondu. L’entreprise GCC n’a pas souhaité s’exprimer. Quant à Spie-Batignolles, elle assure tout faire pour que les travailleurs soient en règle. Elle indique également ne pas avoir reçu d’assignation aux prud’hommes.

Le conseil de prud'hommes de Bobigny signale à franceinfo que "les dossiers ont été enregistrés et la date arrêtée en concertation avec le défenseur syndical". Selon les prud'hommes, l'audience est fixée à début octobre. Le tribunal précise que les convocations ne sont pas envoyées "plus de deux, trois mois à l’avance". "Il est donc normal que ces convocations ne soient pas encore parties." Selon le Code du travail, ce type de dossier devrait pourtant être jugé dans un délai d’un mois.

Il y a un peu plus d'un an, un contrôle de l'inspection du travail avait déjà révélé la présence de sans-papiers sur le chantier du village olympique. Le parquet de Bobigny avait ouvert une enquête pour "emploi d’étrangers sans titre" et "exécution en bande organisée d’un travail dissimulé".

Source: franceinfo