Synode sur l’avenir de l’Église : le Vatican ouvre des chantiers tous azimuts

June 20, 2023
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Modes de décisions, place des femmes, migrants, personnes homosexuelles, traditions culturelles, changement climatique, formation des prêtres… Rarement un document venu de Rome aura brassé autant de thèmes de manière aussi ouverte. Le secrétariat du Synode a publié, mardi 20 juin, un « instrument de travail » en vue de la première réunion d’évêques et de laïcs qui se tiendra au Vatican, en octobre, avant une deuxième session en octobre 2024, pour réfléchir à l’avenir de l’Église.

À travers une série de questions adressées aux participants du Synode sur la synodalité, lancé à l’automne 2021 par le pape François et qui a déjà provoqué la consultation des catholiques du monde entier, les auteurs de ce document dessinent l’avenir de ce qu’ils appellent une « Église synodale », plus à l’écoute de sa base. Le mot est d’ailleurs présent 71 fois dans ce texte, diffusé par le Vatican en italien, anglais, français, espagnol et portugais.

L’Instrumentum laboris (nom traditionnel de ce document) entend organiser le travail d’octobre, mais « ne peut pas être compris comme une première ébauche du document final de l’Assemblée synodale », ont averti les auteurs. La série de questions qu’il propose sur 33 pages offre tout de même une vision de l’Église assez claire.

Reconnaître ce que le monde « a de bon »

Au-delà de la première partie qui est un exposé spirituel sur le concept de synodalité, le Vatican dessine, à travers les thématiques choisies ou la manière de poser ses questions, la vision d’une Église plus à l’écoute de la base, où la question des marges est omniprésente. On y distingue une institution constituée de croyants, appelés à y jouer un rôle plus actif, et qui doit repenser sa manière d’annoncer son message au monde contemporain, à mille lieues d’une Église forteresse, assiégée, qui devrait défendre un acquis.

« Quelle est l’attitude avec laquelle nous abordons le monde ? Reconnaissons-nous ce qu’il a de bon et, en même temps, nous engageons-nous à dénoncer prophétiquement tout ce qui porte atteinte à la dignité des personnes, des communautés humaines et de la Création ? », peut-on ainsi lire dans l’instrument de travail. Un questionnement nécessaire en raison de la « crise des abus », explicite le document. « En plus de demander pardon aux victimes des souffrances qu’elle a engendrées, l’Église doit continuer d’avancer sur un chemin de conversion et de réforme afin d’éviter que des situations similaires ne se reproduisent à l’avenir », est-il écrit.

Intégration des « personnes LGBTQ + »

Ainsi, le texte pose la question de l’intégration des « groupes de personnes qui ne se sentent pas bien acceptées dans l’Église, comme étant les personnes divorcées et remariées, les personnes polygames ou les personnes LGBTQ + ». On notera que pour la première fois le Vatican utilise cette expression pour désigner les personnes homosexuelles. Le document s’inquiète aussi des « discriminations raciales, tribales, ethniques, de classe ou de caste, également présentes au sein du peuple de Dieu ». Certains thèmes sont en revanche absents, comme la bioéthique et la liturgie préconciliaire.

De plus, la place des femmes, un thème omniprésent dans les consultations menées sur le terrain, est également l’un des thèmes centraux du document, qui va jusqu’à poser la question des femmes diacres, sans pour autant mentionner explicitement l’ordination de femmes prêtres, à laquelle le pape François a dit plusieurs fois son opposition. « Quels nouveaux ministères pourraient être créés afin de fournir des moyens et des opportunités pour une participation effective des femmes dans les organes de discernement et de prise de décision ? », questionnent les auteurs du document.

Autre sujet très sensible non éludé par le secrétariat du synode : celui de l’ordination des hommes mariés. « Est-il possible, comme le proposent certains continents, d’ouvrir une réflexion sur la possibilité de revoir, au moins dans certains domaines, la discipline sur l’accès au presbytérat d’hommes mariés ? » Une problématique déjà abordée, sans avoir été vraiment tranchée, lors du dernier synode organisé à Rome, consacré à l’Amazonie.

Abordant le thème de l’autorité des responsables catholiques, clercs et laïcs, et celui de la nécessité d’adapter sa formation, le Vatican va jusqu’à s’interroger sur le rôle des prêtres, des évêques… et même du pape. « Comment le rôle de l’évêque de Rome et l’exercice de la primauté doivent-ils évoluer dans une Église synodale ? » Une question inimaginable jusqu’alors dans un document publié par le Vatican.

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« Dans une assemblée synodale, le Christ se rend présent et agit »

Instrumentum Laboris, instrument de travail du Synode sur la synodalité, octobre 2023 :

« L’Assemblée synodale ne peut être comprise comme représentative et législative, à l’image d’une assemblée parlementaire, avec sa logique de recherche d’une majorité. Nous sommes plutôt appelés à la comprendre par analogie avec l’Assemblée liturgique. L’antique tradition nous dit qu’un synode est célébré : il commence par l’invocation de l’Esprit Saint, se poursuit par la profession de foi et aboutit à des décisions partagées pour garantir ou rétablir la communion ecclésiale. Dans une assemblée synodale, le Christ se rend présent et agit. (…) Ceux qui se rassemblent au nom du Christ écoutent sa Parole, s’écoutent les uns les autres, discernent dans la docilité à l’Esprit, proclament ce qu’ils ont entendu et reconnu comme une lumière pour le cheminement de l’Église. »

Source: La Croix