Mort de Tessa à Saint-Julien-de-Concelles : un suspect placé en détention provisoire, quatre ans après les faits
Un juge des libertés et de la détention (JLD) a placé en détention provisoire, ce jeudi 22 juin 2022, comme l’avait requis le parquet de Nantes, un jeune de 24 ans soupçonné d’avoir pris la fuite après avoir causé la mort de Tessa Raimbault, dont le corps sans vie avait été retrouvé sur la route du Soleil-Levant, à Saint-Julien-de-Concelles (Loire-Atlantique), le 20 décembre 2018.
Anthony X. a été retrouvé grâce à l’émission « Appel à Témoins », diffusée le 12 juin 2023 sur M6 : les gendarmes ont été appelés par une personne qui avait reçu ses « confidences » alors qu’il était « alcoolisé ». Ces « confidences » ont été recueillies « sur deux jours différents, éloignés l’un de l’autre », a précisé ce jeudi 22 juin 2023, le procureur de la République de Nantes. « C’est la première fois que j’ai un dossier où, après des années d’enquête et des milliers d’actes de procédure, une émission de télévision sert d’élément déclencheur et de bascule », a confessé Renaud Gaudeul lors d’une conférence de presse.
Le suspect, intérimaire dans une entreprise de travaux publics de Montoir-de-Bretagne - qui travaillait à l’époque dans l’entreprise de son père, « à quelques centaines de mètres » de l’accident - avait en fait déjà été entendu comme simple « témoin » au début de l’enquête mais aucune charge n’avait été retenue contre lui à l’époque, faute d’éléments pour l’incriminer.
Un accident provoqué par un « engin de chantier »
Confiée initialement à la brigade territoriale de gendarmerie du Loroux-Bottereau, l’enquête avait été attribuée « au bout de quelques jours » à la Brigade de recherches (BR) de Rezé en raison de sa « complexité », a commencé par rappeler le magistrat.
Pendant plus de quatre ans, leurs investigations étaient demeurées vaines en dépit d’une enquête de voisinage faite « de manière très étendue » autour du lieu de l’accident. Les appels à témoins lancés successivement par les autorités judiciaires et la famille avaient connu le même sort, tout comme l’examen des images de vidéosurveillance des alentours.
De « nombreux » contrôles routiers avaient aussi été faits « pour analyser les flux de circulation » dans « les jours qui avaient suivi », mais n’avaient pas non plus permis de faire avancer les investigations. Les seules « constatations sur place » avaient simplement fait apparaître comme « fil conducteur » le fait que le drame avait été provoqué par un « engin de chantier ».
Dans ce contexte, « 55 titulaires de permis de construire », « 25 entreprises de travaux publics », « 69 paysagistes » et « 89 exploitations agricoles » avaient fait l’objet d’analyses « plus approfondies ». Une « brindille de conifère » inhabituelle à Saint-Julien-de-Concelles avait même été analysée par le Conservatoire botanique national de Brest (Finistère) et avait donné lieu à des investigations « plus poussées » auprès de « 11 habitations » situées « en amont » du lieu du drame.
Des vérifications plus approfondies auprès de 10 personnes
« Pour autant, pas une seule personne avait été entendue comme mise en cause, et encore moins en garde à vue », a rappelé le procureur de la République de Nantes. Seules dix personnes avaient fait l’objet de « vérifications plus approfondies » mais avaient été mises hors de cause avant même de devoir être soumises à une garde à vue.
Une enquête AnaCrim (pour « Analyse Criminelle ») avait même été lancée fin 2022 « en désespoir de cause » pour repérer d’éventuelles « discordances » dans les pièces du dossier. Le dossier était alors « en cours d’analyse » par son Bureau de suivi des enquêtes pour un « ultime examen » avant d’un « assez vraisemblable » classement sans suites quand le parquet de Nantes avait appris que l’émission « Appel à Témoins » de M6 allait évoquer le cas de Tessa Raimbault…
« Pour être très franc, j’avais assez peu d’espoir : tous les proches des lieux de l’accident avaient nécessairement été destinataires des appels à témoins », a confié le procureur de la République de Nantes lors de sa conférence de presse.
Mais « deux jours » après l’émission, une personne avait contacté la gendarmerie pour « dire qu’elle avait des choses à déclarer » après avoir été « très touchée » par le témoignage de la mère de Tessa : un « ami » lui avait dit « à deux reprises » être « l’auteur de l’homicide involontaire », alors qu’il avait « consommé de l’alcool », « plusieurs mois auparavant ».
Un autre accident, en état d’ivresse, en 2022
Pendant les trente-six premières heures de sa garde à vue, Anthony X. avait d’abord « contesté » toute implication dans l’accident mais est finalement passé aux aveux à 22 h 30. Il a été mis en examen pour « homicide involontaire aggravé » par le fait qu’il a pris la fuite. Pour ces faits, ce jeune homme encourt théoriquement jusqu’à sept ans d’emprisonnement.
À l’époque inconnu de la justice, il a été impliqué entre-temps dans un accident de la route où il était sous l’emprise de l’alcool ; il était toutefois seul en cause, cette fois-ci.
« Sa place n’est pas en détention, il n’y a pas de risque de fuite », avait insisté son avocat lors de l’audience publique devant le juge des libertés et de la détention (JLD), lors de l’audience publique ce jeudi 22 juin 2023. Celui-ci était plutôt partisan d’un contrôle judiciaire « extrêmement strict » assorti d’une interdiction de conduire tout véhicule à moteur, de paraître sur Saint-Julien-de-Concelles ou encore d’une obligation de suivre des soins.
« Je ferai ce que vous me demanderez de faire », avait appuyé son client, vêtu d’un jean et T-shirt noir. « Mon casier judiciaire est vierge et, lors de mon accident de décembre 2022, j’étais seul en cause… Je ne veux pas aller en détention. »
Des « Velléités suicidaires »
Mais le risque de récidive « ne peut être écarté » en raison de sa « problématique alcoolique », et cela même s’il a déjà suivi « une cure de sevrage » et qu’il « ne dispose plus de véhicule », lui a rappelé le JLD pour justifier son incarcération.
Une « fuite de ses responsabilités » n’est pas non plus à exclure au vu du « temps très long » durant lequel il s’est tu sur la mort de l’adolescente de 17 ans. Le procureur de la République avait d’ailleurs dit que les deux « se connaissaient ».
Son placement en détention provisoire est aussi de nature à le « protéger » lui-même en raison de ses « velléités suicidaires » : la « charge psychique » qui pèse sur lui depuis quatre ans et demi « ne peut qu’être majorée » au vu de la révélation « au grand jour » de ces faits - notamment auprès de son cercle « familial ».
Source: Le Télégramme