Agriculture : Pourquoi il est urgent de cultiver des fruits et légumes au cœur des villes
Cela fait à peine un an qu’ils ont emménagé dans leur appartement mais ils ont déjà transformé leur petit espace extérieur. Pour la première fois, Nicolas et Rachel profitent d’un balcon d’environ 9 m² dans le quartier populaire du Blosne, à Rennes. A peine installé, le couple a tout de suite voulu verdir son espace extérieur. « On a planté de l’estragon, de l’ail des ours, différentes sortes de menthe, du calendula. Et cette année, on va ajouter des tomates, du basilic, de la bourrache et de la capucine », explique le couple. Rachel s’y connaît un peu puisque ses parents et ses grands-parents avaient un potager même si elle n’en garde pas que de bons souvenirs. « C’était la punition d’aller désherber. Ça m’a un peu dégoûtée. Mais là, j’ai envie de m’y remettre, de retrouver ces moments ». Son conjoint Nicolas est lui un véritable novice mais est tout aussi excité à l’idée de jardiner. « On fait ça ensemble, les mains dans la terre, loin de nos écrans de téléphones. Sur le balcon, on voit déjà les abeilles et les papillons revenir ». Si leur « jardin » est modeste, il procure déjà un grand plaisir au couple de Rennes. « Je suis cuisinier. Alors quand je vais sur mon balcon pour cueillir des herbes que j’ai plantées, c’est un réel plaisir. »
Cette joie de renouer le contact avec la nature en ville sera au cœur des 48 Heures de l’agriculture urbaine qui se tiennent ce samedi 29 et dimanche 30 avril. Organisé par l’Association française d’agriculture urbaine professionnelle (AFAUB), l’événement vise à développer les initiatives agricoles en milieu urbanisé. Le bénéfice est connu : en cultivant en ville, on les rend plus durables et plus fertiles. « Mon associé a mené des recherches en végétalisant les toits d’Agro Paristech. Il a pu constater qu’il y avait de nombreux apports positifs. Une meilleure rétention des eaux, ce qui limite la saturation des réseaux en cas de forte pluie, une biodiversité renforcée, une lutte contre les îlots de chaleur. On peut aussi réutiliser des produits résiduaires organiques urbains pour les valoriser sur le site », explique Clément Lebellé, cofondateur de Cultures en ville.
A Paris, le potager Suzanne de Cultures en ville fournit plusieurs tonnes de légumes qui poussent sur les toits du 15e arrondissement. - Cultures en ville
Depuis 2015, cette entreprise de région parisienne propose aux professionnels de végétaliser leurs toits en y aménageant des jardins potagers ou des espaces verts. Le chantier est vaste. D’après l’Apur (Atelier parisien d’urbanisme), 80 hectares de toitures présentent aujourd’hui à Paris « un fort potentiel de végétalisation, du fait de leur surface disponible et de leur couverture pouvant accueillir une épaisseur minimum de substrat suffisante au développement d’une végétation herbacée ». Mais même en optimisant toutes ses surfaces, la capitale française serait bien incapable de nourrir seule sa population. « On ne peut pas faire de miracles mais on peut avoir une vraie production maraîchère saine », assure le dirigeant. L’an dernier, 4 tonnes de légumes ont été produits sur les 1.000 m² de toitures du potager de Suzanne que l’entreprise exploite dans le 15e arrondissement.
« Que les gens puissent venir voir, sentir, goûter »
S’il est si important d’accentuer la part de l’agriculture urbaine, c’est aussi pour éduquer et faire connaître. Coupés des fermes et des jardins, les citadins ont progressivement perdu le lien avec la saisonnalité, abreuvés de tomates et de fraises toute l’année dans leurs supermarchés. Partout en France, des jardins pédagogiques fleurissent pour réapprendre aux habitants comment poussent les légumes et fruits qu’ils consomment. « L’enjeu, c’est de ramener la plante en ville en créant un espace qui soit joli, agréable où les gens puissent venir voir, sentir, goûter », explique Malo. Animateur pour l’association Les Cols verts, à Rennes, il intervient auprès des écoles du quartier du Blosne qu’il invite dans le potager créé derrière la halle du Triangle. « Les enfants qui goûtent les épinards ici, ils aiment tous ça. Quand on mange ce que l’on a semé et entretenu, on prend plaisir. Parce que ça a du goût mais aussi parce qu’on comprend l’histoire du vivant », détaille le jeune homme. Où l’on comprend qu’il faut trois mois à une pomme de terre pour pousser. Ou que les fleurs de courges doivent être pollinisées si elles veulent donner des fruits.
Pour lui, tous ceux qui bénéficient d’un espace extérieur devraient jardiner. « La quantité importe peu. C’est la notion de plaisir qui doit primer. Cultiver ses légumes, c’est une satisfaction. Et ça permet aussi de faire des économies », assure l’animateur des Cols verts. Chaque jour, il voit passer des habitants du quartier qui viennent l’aider ou s’approchent simplement par curiosité. « Quand tu vois comment une plante elle pousse, ça te change ta vision de la vie. Tu ne manges plus de la même façon, tu comprends comment ça marche », témoigne Mustapha. Âgé de 30 ans, cet habitant du Blosne est venu filer un coup de main au jardin collectif où il a planté des pommes de terre et semé du lin. « Quand tu goûtes après, ça n’a rien à voir, c’est un tel plaisir. »
Source: 20 Minutes