Début du bras de fer à l'Assemblée sur le "partage de la valeur" dans les entreprises

June 26, 2023
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Le ministre du Travail Olivier Dussopt à l'Assemblée nationale, le 8 juin 2023 ( AFP / Ludovic MARIN )

L'Assemblée nationale a entamé lundi l'examen du projet de loi sur le "partage de la valeur" au sein des entreprises, issu d'un accord syndicats-patronat, avec de nouveaux bras de fer sur la question des salaires.

Le texte doit permettre d'agir "pour le pouvoir d'achat pour faire face à l'inflation", a affirmé le ministre du Travail Olivier Dussopt, à l'ouverture de la séance. C'est aussi, selon lui, "une proposition de solidarité accrue entre capital et travail".

Le ministre a pressé les députés de respecter une transposition "fidèle" dans la loi de l'accord national interprofessionnel (ANI) conclu en février. Signé par quatre syndicats sur cinq - sans la CGT -, cet accord prévoit d'étendre des dispositifs tels que l'intéressement, la participation ou les primes de partage de la valeur ("prime Macron") à toutes les entreprises de plus de 11 employés. Il s'agit aussi de développer l'actionnariat salarié.

Cela pourrait concerner "1,5 million de salariés" d'ici "deux à trois ans", avait fait valoir M. Dussopt plus tôt sur CNews.

La Première ministre Élisabeth Borne, qui cherche à renouer le dialogue social après le long conflit des retraites, se félicite de "ce projet de loi (qui) illustre ce qu'on souhaite faire avec les partenaires sociaux".

Les députés LR soutiennent les dispositifs de "partage de la valeur", vus comme un "complément de rémunération et de challenge pour les salariés".

- "Débat national sur les salaires" -

Les autres oppositions sont dubitatives, voire franchement opposées. Le groupe LFI a défendu sans succès une motion de rejet d'un texte d'"enfumage", selon son député Matthias Tavel.

L'ensemble de la gauche appelle plus largement à agir sur les salaires.

"Le partage de la valeur commence et existe même essentiellement dans le salaire", a insisté Pierre Dharréville (PCF), quand l'écologiste Eva Sas a accusé le gouvernement de "développer toutes les alternatives permettant de freiner les augmentations".

Au Rassemblement national aussi, on affirme que l'augmentation des salaires "reste le meilleur partage de la valeur".

M. Dussopt rétorque lui que les hausses salariales ne sont pas "incompatibles", renvoyant la balle aux entreprises.

"On a le sentiment que vous voulez limiter la démocratie parlementaire par la démocratie sociale", a critiqué le socialiste Jérôme Guedj, prônant "un débat national sur les salaires".

Le texte prévoit que les entreprises de 11 à 49 employés, dont le bénéfice net représente au moins 1% du chiffre d'affaires pendant trois années consécutives, mettent en place au moins un dispositif de partage de la valeur, pour cinq ans d'expérimentation.

La participation est un mécanisme de redistribution des bénéfices, actuellement obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés, tandis que l'intéressement est une prime facultative liée aux résultats ou performances non financières. Les deux s'accompagnent d'avantages fiscaux.

- "Risque de surenchère" -

Lundi, les députés ont adopté le premier article du texte, qui prévoit d'imposer à certaines branches des discussions d'ici à la fin de l'année, pour potentiellement revoir les classifications de leurs emplois (grille hiérarchique souvent accompagnée d'un grille des minimas salariaux).

Les branches concernées sont celles qui n'ont pas procédé à cet examen lors des cinq dernières années. Contre l'avis du gouvernement, un amendement LFI a été adopté pour préciser que ces discussions auront pour but "d'assurer notamment l'égalité professionnelle" femmes-hommes.

Les débats s'animeront également autour des "bénéfices exceptionnels". Le projet de loi prévoit que les entreprises d'au moins 50 salariés en négocient définition et partage. "Près de 8.000 entreprises sont potentiellement concernées", d'après le rapporteur Louis Margueritte (Renaissance).

La majorité présidentielle a prévu dans l'hémicycle de repréciser que "la définition de l'augmentation exceptionnelle du bénéfice" devra prendre en compte la taille de l'entreprise, son secteur...

Les oppositions veulent davantage de cadrage et prônent, à l'instar des insoumis, des primes systématiques en cas de "superprofits".

Emmanuel Macron s'est lui-même engagé durant sa campagne à instaurer un "dividende salarié", et le patron du groupe MoDem Jean-Paul Mattei a soulevé à l'automne le sujet des "superdividendes".

M. Dussopt a alerté sur "un risque de surenchère" et ne défendra toute modification à l'ANI "qu'avec un consensus des signataires".

Source: Boursorama