"Je n'aime pas qu'on puisse apercevoir les tétons" : à 40 ans, elles hésitent à sortir sans soutien-gorge
Influencées par les nouvelles habitudes de la génération Z, certaines femmes s'interrogent sur le port de ce sous-vêtement, jusqu'ici considéré comme un attribut incontournable de la féminité.
«J'ai peur que tout le monde le remarque. Il y a encore beaucoup de préjugés vis-à-vis des femmes qui ne portent pas de soutien-gorge. Il faut du courage pour l'assumer». Linda, 45 ans, a découvert le confort d'une vie sans soutien-gorge à la faveur du confinement. Pourtant elle n'envisage pas, aujourd'hui, de sortir sans. Si nombre de très jeunes femmes semblent avoir désormais sauté le pas – il suffit de se glisser dans une soirée de vingtenaires pour le constater -, leurs aînées étaient, jusqu'ici, rares à l'envisager. Difficile de remiser ses balconnets au placard quand on a grandi à une époque où la question ne se posait même pas.
Marie, 42 ans, a bien ri lorsqu'elle a entamé le débat avec sa sœur, qui n'en porte plus depuis longtemps, et la gérante d'une boutique chez qui elles faisaient du shopping, une quinquagénaire à la poitrine généreuse. «Au beau milieu de la boutique, elle a retiré son soutien-gorge ! Du coup, je me suis lancée aussi, c'était vraiment drôle ! C'est vrai que c'est agréable et qu'on peut se demander si on ne le garde pas par pure habitude ou à cause de diktats».
«J'ai toujours pensé que les soutiens-gorge ne servaient à rien, qu'ils étaient une autre injonction patriarcale, rejoint Mathilde, 50 ans, qui les délaisse seulement l'été ou le week-end. En revanche, je n'aime pas qu'on puisse apercevoir mes tétons, ça a un côté sexuel qui me gêne. Mais j'ai le sentiment que c'est de plus en plus accepté par les jeunes générations».
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Un retour en force dans les années 1980
Ces femmes ont grandi dans les années 1990 ou 2000, époque où le soutien-gorge faisait partie des attributs incontournables de la féminité. Les mères de famille couraient acheter des brassières à leurs filles de 12 ans, pour cacher une poitrine naissante. Les mannequins de Victoria's Secret étaient des stars internationales et les pubs avec Eva Herzigova donnaient aux adolescentes l'envie de cumuler les baby-sittings pour s'offrir une panoplie de sous-vêtements rembourrés.
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La mode était alors à laisser plus ou moins subtilement apparaître des bretelles de couleur sous son débardeur. Celles qui n'osaient pas s'infligeaient des soutiens-gorge bandeau avec des armatures si rigides qu'on ne pouvait pas se retourner sans grimacer. D'autres arboraient d'inélégantes bretelles en silicone transparent qui laissaient des irritations rouges sur les épaules. C'est donc avec un regard curieux mêlé d'envie que les quadragénaires observent aujourd'hui leurs cadettes, qui n'hésitent plus, elles, à remiser le bon vieux «soutif». «Alors que dans les années 60/70, les mouvements féministes appelaient à s'en débarrasser pour libérer le corps des femmes, le soutien-gorge est revenu en force dans les années 80, rappelle Frédéric Monneyron, écrivain (1) et sociologue de la mode. Les années Sida ont instauré une méfiance vis-à-vis de l'érotisme : le désir était soudain devenu suspect. Mais c'était aussi, paradoxalement, l'époque du Wonderbra, un soutien-gorge sexy qui mettait la poitrine en avant.»
«Ma mère m'a imposé rapidement de mettre des soutiens-gorge vers 11 ou 12 ans. Un médecin du sport, chez qui j'étais allée à peu près au même âge pour une scoliose, m'avait aussi demandé d'en porter. J'ai donc compris que c'était la chose à faire, raconte Pauline, 36 ans, cadre dans l'hôtellerie de luxe à Paris, qui ne porte plus de soutien-gorge «depuis la fin du confinement, sauf au travail, pour faire du sport ou pour sortir danser». «Aujourd'hui, quand je sors, je suis encore un peu timide, gênée par le regard des autres. Je vais donc positionner mon sac à main un peu différemment, pour éviter que ça se voie trop».
Aujourd'hui, quand je sors, je suis encore un peu timide, gênée par le regard des autres Pauline, 36 ans, cadre dans l'hôtellerie de luxe
Voir des poitrines qui bougent naturellement
Pauline n'est pas la seule à tenter «l'aventure», surtout depuis la révolution télétravail. Les mouvements féministes, qui appellent à une plus grande liberté des corps, sont aussi passés par là. À force de voir des «poitrines qui bougent naturellement» dans la rue, ou sous l'impulsion d'une amie, d'une collègue, certaines quadragénaires ont décidé d'arrêter de porter un soutien-gorge. Jusqu'à atteindre un sentiment de liberté, moment où l'on n'a plus l'impression d'être nue.
Une démarche évidemment plus facile pour les poitrines menues. Les seins plus lourds sollicitent en effet davantage le dos et sans soutien, le risque de se voûter existe. Quant à l'effet de la gravité, elle désavantage également les poitrines généreuses. Le poids, mais aussi la qualité de la peau et l'âge n'aident pas les seins à se maintenir à une position haute. Laurence, 49 ans, pharmacienne et nutritionniste à Bordeaux, s'est bien renseignée, en lisant plusieurs études et en demandant conseil à un ami médecin. Aujourd'hui, elle ne porte un soutien-gorge «que si (s)a tenue du jour le nécessite» mais a encore «du mal à le faire». «Avant c'était inconcevable, j'avais peur du regard d'autrui, de voir mes seins tomber. Mais j'ai vu ma meilleure amie ne pas en porter et je n'ai pas trouvé ça choquant, au contraire. Plusieurs hommes m'ont aussi dit préférer les femmes sans soutien-gorge.»
J'ai dépensé de l'argent, abîmé ma peau, ils m'ont tenu chaud, pour rien ! Marine, 36 ans
Poussée par «sa réflexion féministe» et des envies de liberté, Manon, 37 ans, bibliothécaire, est à mi-chemin : «Je n'en porte pas quand je suis fatiguée : j'ai envie de me sentir sans contrainte. Le reste du temps, je ne porte plus que de jolies pièces en dentelle et sans armatures. Peut-être qu'à 50 ans, je n'en aurais plus rien à faire ! » Marine, elle, ne se pose même plus la question. À 36 ans, elle n'a même plus de soutien-gorge dans ses tiroirs. Le confinement a été une «révélation» : «J'ai dépensé de l'argent, abîmé ma peau, ils m'ont tenu chaud, pour rien ! Pour moi, ça ne sert à rien d'autre qu'à donner à mes seins une forme standardisée, ronde, haute et immobile, qui n'est même pas une forme naturelle.» Elle s'avoue probablement influencée par les collègues vingtenaires de son agence de communication. «La nouvelle génération a habitué nos regards : ça devient banal de voir des seins qui bougent. Ça n'attire plus l'attention comme avant, c'est banalisé et ça rend la démarche plus simple. D'ailleurs, personne ne m'a fait la moindre remarque, mis à part deux types, un jour que j'accourais pour être à l'heure au cinéma. Même ma mère ne m'a jamais rien dit.»
(1) Frédéric Monneyron est l'auteur de La sociologie de la mode, paru aux éditions Que sais-je ?, 128 pages, 10€.
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Source: Le Figaro