Bétonisation : en Bretagne, la loi Zan rend les maires ruraux tout sauf zen
« On se dit qu’on va encore être les dindons de la farce ». Pour Nadine Kersaudy, présidente de l’Association des maires ruraux du Finistère, le « Zan » fait figure d’épouvantail. Cet acronyme, qui fait trembler plus d’un édile, c’est le Zéro artificialisation nettedes sols , une mesure née lors de la Convention citoyenne pour le climat , afin de préserver les terres , la biodiversité qu’elles accueillent, leur pouvoir de captation du carbone, etc. Le Zan doit, à partir de 2050, obliger à renaturer autant d’espace qu’on en artificialise. D’ici là, chaque décennie verra le quota de surfaces artificialisables être réduit de 50 %. C’est le cas lors de la période 2021-2031, par rapport à la précédente. Une proposition de loi visant à simplifier sa mise en application doit être votée ce mardi à l’Assemblée nationale .
« Comme beaucoup de maires, je n’ai pas attendu la loi pour être respectueuse du foncier », embraye Nadine Kersaudy. La maire de Cléden-Cap-Sizun (29) égraine le presbytère devenu mairie, les anciens logements des instits reconvertis et les « lotissements créés mais toujours dans des dents creuses », loi littoral oblige.
Son homologue dans le Morbihan, Joël Marivain, maire de Kerfourn, relève l’inquiétude générale « même s’il faut relativiser, la loi n’est pas encore tout à fait stabilisée ». Y a été notamment ajouté un minimum d’un hectare d’artificialisation pour la décennie en cours, offert aux maires. « On va s’en contenter, c’est mieux que rien. Cela offre la possibilité pour ceux qui n’avaient pas consommé beaucoup de foncier, de mettre en place des projets », estime le président de l’Association des maires ruraux du Morbihan. Nadine Kersaudy, elle, « n’est pas sûre » que cet hectare glané soit « un bon deal ». Elle privilégiait d’obtenir le droit à un grand projet, que ce soit pour accueillir une grosse entreprise ou un vaste programme de logements.
Le manque à gagner fiscal fait aussi partie des préoccupations des maires : « Nos charges progressent mais comment fait-on pour augmenter nos recettes ? La création de nouvelles maisons était une solution pour nous », rappelle Joël Marivain. L’élu morbihannais regarde également du côté des villes, « qui ont jusqu’à 70 % de surfaces urbanisées, alors que la plupart des communes rurales n’en ont que quelques pourcents. C’est quand même paradoxal de dire qu’on consomme trop de foncier ! ».
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Le casse-tête des friches et logements vacants
Les élus ruraux vont devoir densifier leur centre-bourg, acquérir des friches et les reconvertir et rénover des logements vacants. Aussi vertueuses soient ces actions, elles n’en seront pas moins difficiles à mener, selon Nadine Kersaudy : « Quand un bien tombe en ruines, avec des héritiers, le droit commun nous fait attendre 30 ans pour faire quelque chose ! ». Quant aux « biens sans maître », c’est-à-dire sans propriétaire identifié, les communes doivent s’assurer, pour les acquérir, que les impôts fonciers n’ont pas été payés depuis trois ans. « Je viens d’apprendre que la direction des finances publiques ne nous communique plus cette donnée, comment fait-on du coup ? », peste la maire de Cléden-Cap-Sizun.
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Autre caillou dans la chaussure des maires ruraux : s’assurer que les friches agricoles à réhabiliter sont situées dans le bon zonage du document d’urbanisme pour pouvoir intervenir. « Pour les équipes municipales, tout cela représente un travail énorme », souffle Joël Marivain qui pointe aussi l’aride terminologie urbanistique employée par la loi : « Entre extension urbaine, artificialisation, etc., le législateur embrouille les élus ».
Source: Le Télégramme