Décès de Michel Guéguen : Armor-Lux perd un capitaine

April 29, 2023
451 views

Solide comme un roc. C’est l’image que renvoyait Michel Guéguen. Un cancer foudroyant, décelé il y a un mois, a emporté, dans la nuit du vendredi 28 avril au samedi 29 avril 2023, cet homme brillant, débonnaire et infatigable entrepreneur. Michel Guéguen est décédé à l’hôpital de Quimper. Il avait 69 ans. Il laisse une épouse, deux enfants et cinq petits-enfants éplorés. Il laisse également bien seul son « frère d’entreprise » Jean-Guy Le Floc’h. Tous deux auront quasiment partagé 50 ans d’indéfectible amitié et d’insolente réussite professionnelle.

Jean-Guy le Floc’h et Michel Guéguen, surgissant dans l’univers du textile dont ils vont vite connaître tous les arcanes. L’aventure Armor Lux débute… (Armor Lux)

« On s’est débrouillé pour être côte à côte »

Michel Guéguen, « Mich’» comme l’appelait Jean-Guy Le Floc’h, avait grandi à Coray, entre une mère institutrice et un père secrétaire de mairie. Élève brillant, il rejoint le lycée de Cornouaille, à Quimper, puis entre en math sup, à Chateaubriand, à Rennes. Nous sommes en septembre 1976. Il ne va pas tarder à rencontrer son futur binôme, Jean-Guy Le Floc’h. Ce dernier s’en souvient « comme si c’était hier. Mes parents me laissent devant la grille, avec ma valise. Je rentre. À ma gauche, sur la pelouse, il y a quatre mecs qui me regardent passer. J’ai l’air un peu paumé. Ils m’appellent : D’où tu viens ? Je dis Pont-l’Abbé. T’es seul ? Oui. Et là, Michel, qui faisait partie de la bande, se détache et me prend sous son aile. Dans le dortoir, on s’est débrouillé pour être côte à côte et c’était parti ».

Michel Guéguen et Jean-Guy le Floc’h, en 1976, l’année de leur rencontre, au lycée Chateaubriand, à Rennes. Les deux copains regardent déjà dans la même direction. (Famille Le Floc’h)

Les débuts chez Bolloré

C’était parti pour plus de 47 ans de compagnonnage. « À cette époque, on s’était dit qu’on se retrouverait et qu’on achèterait ensemble une entreprise en Bretagne », se souvient Jean-Guy Le Floc’h. À la fin des années 70, leur projet n’est pas mûr. Jean-Guy part pour Centrale, à Paris. Michel Guéguen opte pour une école de chimie, à Mulhouse, où il rencontre sa future épouse, Christèle. Puis il est embauché par le groupe Bolloré. Il dirige l’usine de Cascadec, à Scaër, puis prend la tête du labo de recherche qui commence à travailler sur les batteries électriques. Jean-Guy Le Floc’h, lui, est entré chez Bull, à Angers. Il voit passer une annonce du groupe Bolloré, qui cherche un directeur financier. Il envoie son CV, décroche un entretien. Vincent et Michel-Yves Bolloré se renseignent auprès de Michel Guéguen. Jean-Guy est embauché en 1982.

« Il connaissait toutes les ouvrières par leur prénom »

Les deux hommes quitteront, ensemble, le groupe Bolloré au milieu des années 90. Une opportunité vient d’apparaître, qui va leur permettre de tenir leur promesse : une entreprise textile quimpéroise, la Bonneterie d’Armor, est à reprendre. Jean-Guy Le Floc’h dit à Michel Guéguen : « On avait dit qu’on le ferait. On va le faire ». Tous deux rachètent la société. Avec 15 M€ de chiffre d’affaires et un catalogue axé sur les sous-vêtements et les tricots de corps, elle est en déclin. Les débuts sont compliqués : les cadres de l’entreprise, qui étaient en lice pour le rachat, déposent une motion de défiance. Le personnel bascule du côté des deux repreneurs. « Michel a joué un rôle important. Il a toujours eu de bonnes relations avec les salariées, qui étaient essentiellement des ouvrières. Il était vraiment très proche d’elles, il les connaissait toutes par leur prénom, et il était attentionné ».

À lire sur le sujet Armor-Lux. « Repartir de l’avant »

« C’était un coup de maître ! »

Les deux dirigeants reconstruisent une nouvelle équipe d’encadrement et partent découvrir les rudiments de l’industrie textile, dont ils ignoraient tout, en stage, à Troyes. Là encore, une intuition de Michel Guéguen leur fait faire un pas de géant : « Michel a sympathisé avec le prof. Quand on est revenu à Quimper, il l’a appelé pour lui demander si ça ne l’intéressait pas de venir bosser avec nous. Daniel Weidman a passé quinze ans à nos côtés. C’était un coup de maître ! », raconte Jean-Guy Le Floc’h.

« On s’y est collé, tous les deux, jour et nuit »

Il y en eut bien d’autres, notamment au lendemain des inondations de décembre 2000, qui ont noyé l’usine implantée dans la zone de l’Hippodrome, à Quimper. « On s’y est mis tous les deux. Michel a géré la partie technique, moi la partie juridique et financière », se remémore Jean-Guy Le Floc’h. En 2003, le maire, Alain Gérard, avec l’appui de la FDSEA, leur trouve un nouveau terrain, à Kerdroniou. « C’est Michel qui a dessiné et fait construire la nouvelle usine », poursuit Jean-Guy Le Floc’h. Tandis qu’elle sort de terre, un énorme appel d’offres est lancé par le groupe La Poste. « On s’y est collé, tous les deux, jour et nuit. On l’a remporté car Michel avait déjà en tête la construction d’un entrepôt. Il a montré les plans à La Poste, qui nous a retenus ». Le début du deuxième métier d’Armor-Lux, le vêtement professionnel, venait de débuter.

À lire sur le sujet Armor Lux à Quimper. Premiers coups de pelle à l’extension

Les deux metteurs en scène d’Armor Lux, qui ont fait de l’entreprise textile quimpéroise un fleuron français. (Armor Lux)

« Maintenir et développer l’emploi, ici »

Armor Lux s’enorgueillit aujourd’hui d’un chiffre d’affaires de 120 M€ et compte 600 salariés. Tous étaient abasourdis en apprenant la nouvelle du décès, ce samedi matin. « C’était un mec très droit, proche des gens, d’une gentillesse absolue », détaille Jean-Guy Le Floc’h, qui s’accroche désormais à deux objectifs : « Protéger sa famille, soutenir son épouse et pérenniser Armor-Lux. J’ai les deux enfants de Michel, mon fils et mon gendre à mes côtés. Ils assument avec beaucoup de courage pour poursuivre notre pari : maintenir et développer l’emploi, ici, en Cornouaille, ce qui a toujours été le credo de Michel et moi ».

Les obsèques de Michel Guéguen auront lieu jeudi 4 mai, à 15 h 30, à l’espace sportif de Bréhoulou, à Fouesnant. À son épouse et ses enfants, Le Télégramme présente ses condoléances les plus sincères.

Source: Le Télégramme