Nexter/KNDS va coordonner le développement d'un canon électromagnétique européen
Sur le papier, l’idée d’un canon électromagnétique est séduisante. Par rapport aux systèmes d’artillerie actuels, une telle arme permettrait d’envoyer un projectile à des distances trois à cinq fois supérieures, à un coût nettement plus avantageux [à condition que le projectile en question puisse être guidé avec précision vers sa cible]. En outre, elle n’exigerait pas d’explosifs, dont le stockage exige maintes mesures de sécurité.
Le principe d’un canon électromagnétique consiste à faire circuler un courant électrique très intense en association à un champ magnétique entre deux rails conducteurs. Grâce à la force de Laplace, un projectile « conducteur » placé entre ces deux rails subit une très forte accélération avant d’être ejecté à une vitesse d’au moins Mach 5 et pacourir une distance pouvant atteindre les 200 km.
Seulement, cela suppose de relever plusieurs défis technologiques [matériaux, énergie, contraintes mécaniques, etc.]. Très en avance dans ce domaine, avec des travaux lancés dès les années 2000, l’US Navy a visiblement jeté l’éponge. Ou, du moins, son projet de canon électromagnétique tourne au ralenti, faute de disposer de financement suffisants.
Cependant, d’autres pays ont lancé des programmes dans l’espoir de disposer d’une telle capacité. Tel est le cas de la Chine et du Japon. En France, le développement d’un canon électromagnétique fait partie des « innovations de ruptures » jugées prioritaires dans le projet de Loi de programmation militaire [LPM] 2024-30. Et celui-ci devrait s’appuyer sur les travaux de l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis [ISL], lequel a réalisé un prototype a priori prometteur, si l’on en croit Emmanuel Chiva, le Délégué général pour l’armement. « Le défi […] réside dans le passage à l’échelle », a-t-il confié lors d’une audition parlementaire, fin 2022.
Pour rappel, fort de ses projets « PEGASUS » et « RAFIRA », l’ISL avait été désigné, en 2020, par la Commission européenne pour coordonner le programme PILUM [Projectiles for Increased Long-range effects Using ElectroMagnetic railgun], dans le cadre du PADR [Action préparatoire sur la recherche en matière de défense].
L’objectif était alors de démontrer que le concept de canon électromagnétique permettrait de « lancer des projectiles hyper-véloces avec précision sur une distance de plusieurs centaines de kilomètres », au point de disposer du « potentiel suffisant pour créer une rupture technologique dans l’appui d’artillerie à longue distance ».
D’autres acteurs devaient prendre part à ces travaux, dont les groupes français Naval Group, en leur qualité d' »intégrateurs systèmes ». L’Institut de recherche belge Von Karman [spécialiste de la dynamique des fluides et de la propulsion], l’allemand Diehl Munition Defense, le polonais Eplomet [spécialiste du revêtement des métaux par explosion] et l’italien ICAR, fabricant de capaciteurs électriques de haute intensité, étaient également associé au programme PILUM.
Visiblement, celui-ci a tenu ses promesses…. puisque le programme THEMA [TecHnology for Electro-Magnetic Artillery] fait partie des 41 nouveaux projet de recherche que la Commission européenne a dévoilés le 27 juin. Et c’est Nexter [ou KNDS] qui a été retenu pour en assurer la coordination.
Doté d’un budget de près de 15 millions d’euros financés par le Fonds européen de Défense [FEDef], THEMA a pour objectif de faire « mûrir les composants critiques » d’un canon électromagnétique appelé à « compléter » d’autres systèmes d’armes « défensifs », notamment ceux dédiés à la défense aérienne.
A priori, il ne serait donc pas question de mettre au point un canon électromagnétique pour l’artillerie navale mais plutôt une capacité plus modeste, avec une portée de l’ordre d’une trentaine de kilomètres. Dans ce cas, avait expliqué M. Chiva, « on peut envisager l’intégration de cette arme sur une plateforme terrestre, autrement dit sur un camion » et il serait alors « possible d’utiliser comme munitions des obus flèches classiques non explosifs, ce qui facilite la fabrication. »
Quoi qu’il en soit, le projet THEMA intéresse plusieurs pays. Outre la France, représentée par Nexter, Naval Group et l’ISL, l’Italie [avec MBDA Italia et Simmel Difesa], la Belgique [avec l’institut Von Karman], Chypre, la Bulgarie [avec l’institut « Professeur Tsvetan Lazarov »], l’Estonie, le Portugal, l’Allemagne [avec Diehl Defence et l’institut « Fraunhofer-Gesellschaft »] et la Pologne y participent.
Source: Zone Militaire