Le plein d’une voiture électrique moins cher qu'un plein d'essence, pas forcément...

June 29, 2023
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Vous l’avez sans doute entendu ces dernières semaines, martelé à la radio dans une publicité Renault. Le spot entend démonter une fake news, celle qui affirme que le plein d’une voiture électrique coûte plus cher que celui d’une thermique. La voix off s’empresse de remettre les choses à plat, soulignant qu’une voiture électrique coûte quatre fois moins cher à faire rouler. La marque au losange n’est pas la seule à utiliser cette méthode. Sur les réseaux sociaux, Kia vante les mérites des voitures électriques, en répondant à des phrases d’internautes véhiculant des idées reçues sur les modèles à batteries. Avec la même conclusion: l’électricité coûte bien moins cher que l’essence ou le gasoil. Voilà qui tombe à pic pour faire passer la pilule du tarif élevé de voitures électriques!

Dans les faits, tout n’est pas si rose. Si les voitures électriques représentent un potentiel d’économies réel, cela dépend de beaucoup de paramètres. Notamment la consommation des véhicules, et l’endroit où l’on recharge. Pour mettre en lumière ces différences, nous avons comparé les coûts de carburant et d’électricité nécessaires pour parcourir 100 km avec quatre modèles thermiques et quatre modèles électriques. Les chiffres de consommation sont basés sur les mesures réalisées lors de nos essais, et nous avons étudié plusieurs types de parcours, ainsi que plusieurs types d’infrastructure de charge pour les voitures électriques.

Huit vedettes du marché, thermiques et électriques

Dans chaque catégorie, notre choix s’est porté sur trois modèles comptant parmi les plus populaires en France, auxquels nous avons ajouté un grand SUV de luxe. Pour les modèles thermiques, nous avons sélectionné la Dacia Sandero Sce 65, voiture la moins chère du marché et qui domine aussi les ventes aux particuliers. Selon nos mesures, ses consommations sont les suivantes: ville 6,0 l/100 km, route 4,7 l/100 km, autoroute 7,0 l/100 km. La Toyota Yaris est quant à elle une des voitures hybrides les moins chères du marché, et aussi une des plus sobres: 3,7 l/100 km en ville et sur route, 6,2 l/100 km sur autoroute. En diesel, le Peugeot 3008 BlueHDi réclame 5,4 l/100 km sur route et 7,0 l/100 km en ville ou sur autoroute. Enfin, notre modèle de luxe, le BMW X5 xDrive45e est hybride rechargeable, la motorisation la plus représentée sur ce segment. Nous avons choisi de ne pas donner de chiffres de consommation en ville, où ce type de véhicule est censé rouler en mode électrique s’il est correctement utilisé. En-dehors des zones urbaines, la consommation est élevée en mode hybride: 10,0 l/100 km sur route, 11,3 l/100 km sur autoroute.

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Du côté des électriques, nous avons retenu la Fiat 500e 42 kWh (consommation de 14 kWh/100 km en ville, 17 kWh/100 km sur route et 24,5 kWh/100 km sur autoroute), la Peugeot e-208 (consommation de 17 kWh/100 km en ville, 19 kWh/100 km sur route et 29 kWh/100 km sur autoroute), le Tesla Model Y propulsion (consommation de 12,5 kWh/100 km en ville et sur route et 19,5 kWh/100 km sur autoroute) ainsi que le BMW iX xDrive50 (consommation de 22,5 kWh/100 km en ville et sur route et 28,5 kWh/100 km sur autoroute).

Voitures thermiques: un carburant au même tarif partout

Calculer le coût pour parcourir 100 km au volant d’une voiture thermique est assez aisé, étant donné que les écarts de prix sont faibles d’une station-service à l’autre. A l’heure où nous écrivons ces lignes, le prix de l’essence se fixe en moyenne à 1,85 €/litre dans l’Hexagone, et 1,71 €/litre pour le gasoil. Les écarts sont assez faibles d’un modèle à l’autre, à deux exceptions près: la sobriété de la Toyota Yaris la rend très économique en ville et sur route, alors que l’agrément du six-cylindres du BMW X5 se paie à la pompe.

Charge à domicile: la voiture électrique imbattable

Lorsqu’on dispose d’un point de charge à domicile, on profite du carburant le moins cher qui soit. En heures creuses (la charge d’une voiture électrique se fait le plus souvent la nuit), EDF facture actuellement le kWh à 0,1615 €. Voilà qui rend le coût de la voiture électrique proprement imbattable… Et effectivement quatre fois moins cher, dans la plupart des cas, qu’une voiture thermique, comme le promet la publicité Renault. Logique: à la fin du spot radio, la marque cite EDF comme source pour le tarif de l’électricité!

Charge en voirie: attention aux mauvaises surprises!

Avoir une borne de charge dans son garage ne va pas de soi… Et avoir un garage encore moins! "En France, une voiture sur deux n’a pas de place de parking attitrée", rappelle Brieuc de Tonquédec, directeur de Ionity France. Voilà qui oblige certains propriétaires de voitures électriques à compter uniquement sur les bornes proposées en voirie. Si certaines communes incitent le passage à la voiture électrique avec des tarifs de charge bas, c’est loin d’être le cas partout. Parfois, c’est même double peine, comme à Paris où le réseau Belib’ facture la charge 0,35 €/kWh, tarif auquel s’ajoute un droit d’occupation de 0,55 € par quart d’heure!

La philosophie parisienne semble prédire l’avenir des infrastructures urbaines, comme le prouvent les tarifs élevés des réseaux Metropolis (région parisienne) ou l’augmentation spectaculaire du réseau Ouest-Charge en janvier dernier. Le bilan est très salé: du fait d’une charge lente de 7 kW (équivalent à celle d’une Wallbox à domicile), le droit d’occupation est quasiment aussi important que le prix de l’électricité. Et, dans la plupart des cas, il devient plus intéressant de rouler en voiture thermique…

Charge rapide: mieux vaut rouler en thermique

De plus en plus de propriétaires sont tentés d’utiliser leur voiture électrique comme une thermique, c’est-à-dire en n’utilisant que des bornes de charge rapide, comme on ferait un plein d’essence. "En Allemagne, au Pays-Bas et en Norvège, on utilise déjà sa voiture électrique comme une voiture thermique", souligne Aurélien de Meaux, fondateur d’Electra, opérateur de charge rapide. Incontournable sur les autoroutes, cette solution se développe de plus en plus en zone périurbaine. Le matériel à haute puissance est coûteux, ce qui se répercute nécessairement sur le tarif du kWh, élevé. Mais dans la plupart des cas, aucun frais d’occupation à la minute n’est demandé avant la fin de la charge. La facture est finalement à peine plus élevée que pour les bornes en voirie, comme le révèle notre tableau, basé sur un tarif de 0,69 €, celui de Ionity qui dispose du plus grand réseau de bornes rapide en Europe. Cela se situe dans la moyenne du marché. Mais là encore, rouler à l’électrique revient plus cher qu’à l’essence.

Notons le cas particulier du Tesla Model Y. Pour ce tableau, nous avons choisi de sélectionner le réseau de Superchargers de la marque, dont le tarif est aujourd’hui en moyenne de 0,36 €/kWh. Ce tarif avantageux, associé à une très faible consommation, fait nettement sortir le SUV américain du lot. Il se révèle particulièrement économique pour un modèle de cette catégorie. Mais bon nombre de Superchargers sont encore réservés aux modèles de la marque, et la connexion, qui passe obligatoirement par une application smartphone, est fastidieuse si on n’a pas une Tesla.

A l’issue de cette enquête, le constat est assez clair: si on ne dispose pas d’une place de parking privée avec une borne et un compteur EDF, rouler en voiture électrique n’est pas plus économique qu’en voiture essence, diesel ou hybride. Au contraire! Etant donné les tarifs du kWh en constante augmentation, la consommation des voitures électriques devient un paramètre primordial à ne pas négliger lors de l’achat. Nos chiffres en témoignent: la gloutonne Peugeot e-208 revient aussi cher sur autoroute qu’un gros SUV à moteur six-cylindres… Espérons que la version revue et corrigée, qui arrive dans quelques semaines, corrige le tir. A cela s’ajoute une véritable incertitude, liée à la politique de réseaux qui peuvent avoir un monopole sur toute une région. Les utilisateurs qui n’ont pas d’autre choix sont alors à la merci d’une augmentation subite des tarifs, ou d’un revirement politique pouvant mettre en sommeil l’infrastructure pendant plusieurs mois, comme ce fut le cas avec Autolib’ à l’été 2018.

Source: Challenges