Soudan : violents combats à Khartoum, la trêve sur le point d’expirer
Des Soudanais cherchent à quitter Khartoum à bord d’un camion, le 28 avril 2023. STRINGER / REUTERS
Les affrontements entre l’armée soudanaise et les paramilitaires ont repris dimanche 30 avril à Khartoum, alors qu’une trêve de trois jours, qui n’a jamais été respectée, est sur le point d’expirer dimanche à minuit. Des millions de Soudanais sont pris au piège des bombardements et des tirs antiaériens depuis le déclenchement, le 15 avril, d’une guerre entre l’armée du général Abdel Fattah Abdelrahman Al-Bourhane et son numéro deux, le général Mohammed Hamdan Daglo, qui commande les Forces de soutien rapide (FSR), des paramilitaires redoutés.
La guerre a fait 528 morts et 4 599 blessés, selon des chiffres officiels largement sous-évalués, et les deux camps s’accusent mutuellement de violer la trêve. Dimanche, des témoins ont fait état de combats près du quartier général de l’armée à Khartoum et de frappes aériennes à Omdourman, banlieue au nord de la capitale. « Il y a de très violents combats, des coups de feu résonnent dans ma rue toutes les quelques minutes depuis l’aube », rapporte un témoin à l’Agence France-Presse.
Alors que les combats entrent dans leur troisième semaine, les 5 millions d’habitants de la capitale, quand ils ne fuient pas, restent barricadés, essayant de survivre aux pénuries de nourriture, d’eau et d’électricité. Des dizaines de milliers de personnes ont été déplacées à l’intérieur du Soudan ou ont entrepris des voyages harassants vers les pays voisins, le Tchad, l’Egypte, l’Ethiopie et le Soudan du Sud. Les gouvernements étrangers ont évacué leurs ressortissants et des citoyens d’autres nationalités, surtout depuis Port-Soudan vers Djedda, en Arabie saoudite, sur l’autre rive de la mer Rouge. Selon l’Organisation des Nations unies (ONU), 75 000 personnes sont déplacées à l’intérieur du pays et au moins 20 000 ont fui vers le Tchad, 4 000 vers le Soudan du Sud, 3 500 vers l’Ethiopie et 3 000 vers la Centrafrique.
Malgré les appels de la communauté internationale, aucune solution diplomatique n’est en vue entre les deux rivaux, qui continuent de s’invectiver par médias interposés. « L’ONU intensifie ses efforts pour aider les personnes en quête de sécurité dans les pays voisins », assure sur Twitter son secrétaire général, Antonio Guterres, qui dit soutenir toute médiation africaine. Le chef de l’ONU a mis en garde contre une situation « terrible » au Darfour, où « la société s’effondre » avec « des tribus qui essaient désormais de s’armer ».
Les « violences armées entre tribus » dans le Darfour
Les autorités soudanaises précisent que les combats touchent douze des dix-huit Etats qui composent ce pays de 45 millions d’habitants, l’un des plus pauvres au monde. Selon l’ONU, une centaine de personnes ont été tuées depuis lundi à Al-Geneina, chef-lieu du Darfour-Ouest, une région encore marquée par la sanglante guerre civile des années 2000. Les « violences armées entre tribus » ont causé la destruction de l’hôpital principal de la ville, affirme le ministère de la santé. Médecins sans frontières (MSF) a annoncé avoir dû « arrêter la quasi-totalité de [ses] activités » à cause des violences.
A la tête des miliciens janjawids, le général Daglo, dit « Hemetti », avait mené la politique de la terre brûlée au Darfour, sur ordre d’Omar Al-Bachir, l’ancien dictateur renversé en 2019 par la rue. La guerre déclenchée en 2003 avait fait environ 300 000 morts et près de 2,5 millions de déplacés, selon l’ONU. Depuis, les janjawids ont évolué et ont officiellement donné naissance en 2013 aux FSR, supplétif paramilitaire de l’armée.
Aujourd’hui rivaux, les généraux Bourhane et Daglo avaient pourtant fait front commun lors du putsch de 2021 pour évincer les civils avec lesquels ils partageaient le pouvoir depuis la chute d’Omar Al-Bachir. Mais des divergences sont ensuite apparues et, faute d’accord sur l’intégration des FSR dans l’armée, ont dégénéré en guerre ouverte.
Le Monde avec AFP
Source: Le Monde