Mobilisation du 1er-Mai : quel est le dispositif de maintien de l'ordre prévu pour encadrer les manifestations ?
La CGT a appelé à une mobilisation "inédite et exceptionnelle", après la promulgation de la contestée réforme des retraites. Le ministère compte déployer un dispositif "historique", tandis que les syndicats ont renforcé leurs services d'ordre.
"Venir en nombre" et "casser la baraque". Voilà les mots d'ordre des leaders syndicaux de la CGT et de la CFDT, en vue de la mobilisation du lundi 1er mai, à l'occasion de la Journée internationale des travailleurs. Des défilés sont traditionnellement prévus à cette occasion, mais, cette année, les syndicats veulent faire de cette date leur premier grand raout depuis la promulgation de la controversée réforme des retraites. La CGT promet une mobilisation "inédite et exceptionnelle". Quelque "500 000 à 650 000 participants sont attendus au niveau national", selon des informations obtenues auprès des renseignements territoriaux par franceinfo. Soit cinq à six fois plus que l'an dernier.
Les défilés du 1er-Mai, notamment à Paris, ont régulièrement été le théâtre de violences et de dégradations ces dernières années. "C'est un jour férié, avec du monde dans la rue, et des touristes", ce qui rend les cortèges plus difficiles à sécuriser, explique à franceinfo Jean-Philippe Tanghe, secrétaire général de la CFE-CGC. La contestation sociale de ces derniers mois renforce le risque de débordements, soulignent aussi plusieurs sources interrogées par franceinfo. Les renseignements territoriaux identifient ainsi "des risques de troubles à l'ordre public par des individus radicalisés, type ultra-gauche, black blocs" dans plusieurs grandes villes telles "Paris, Rennes, Nantes, Lyon ou Toulouse", qualifiant la journée de "sensible".
"Un goût de revanche"
La venue de délégations syndicales de l'étranger, pour apporter leur soutien à l'intersyndicale française, risque aussi "d'attirer des black blocs depuis l'Espagne ou l'Allemagne", estime Frédéric Bodin, responsable du service d'ordre de l'union syndicale Solidaires. "On se prépare mentalement à affronter une journée très dure", marquée par "un goût de revanche" des opposants à la réforme, avance Jean-Christophe Couvy, secrétaire national SGP Police FO.
"On constate une personnalisation de la contestation de la part des manifestants, qui ne sont pas contre les retraites mais anti-Macron et anti-Borne." Frédéric Bodin, responsable du service d'ordre de Solidaires à franceinfo
De son côté, le préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, a assuré mercredi sur franceinfo qu'il ne craignait "pas plus" de débordements "que lors des douze premières manifestations intersyndicales". "On n'évitera pas les casseurs, mais on n'est pas trop inquiets pour l'avancée du cortège, estime aussi Jean-Philippe Tanghe, de la CFE-CGC. Les fins de manifestations sont souvent compliquées."
12 000 policiers et gendarmes mobilisés
Pour faire face à l'importante mobilisation attendue, le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, a détaillé vendredi sur Europe 1 la "mobilisation historique" prévue par les autorités : 12 000 policiers et gendarmes seront déployés en France lundi, dont 5 000 dans la capitale. Soit plus que les 10 500 agents sur le terrain mardi 7 mars, lors de la plus importante mobilisation du mouvement.
Compte tenu de la venue probable d'un "certain nombre d'éléments radicaux (...) à Paris, à Nantes et à Rennes", ces deux dernières villes accueilleront "un nombre sans précédent" de membres des forces de l'ordre, avec le déploiement de "quatre unités de force mobile" à chaque fois, a précisé Gérald Darmanin.
La préfecture d'Ille-et-Vilaine a aussi interdit une manifestation rennaise "lancée par l'ultra-gauche". La préfète du Rhône, Fabienne Buccio, a demandé à la mairie de Lyon de renforcer la protection des bâtiments municipaux, rapporte Le Progrès (article réservé aux abonnés). L'entrée de la mairie du 4e arrondissement avait été forcée, mi-mars, par des participants à une manifestation spontanée.
Des drones autorisés à Lyon, Bordeaux et Le Havre
Plusieurs préfectures ont aussi autorisé les forces de l'ordre à faire voler des drones. Ce sera le cas notamment à Lyon, Bordeaux ou encore Le Havre. Un décret du 19 avril 2023 autorise policiers nationaux, gendarmes, douaniers et militaires déployés sur le territoire national, à recourir au "traitement d'images au moyen de dispositifs de captation installés sur des aéronefs pour des missions de police administrative".
De leur côté, les organisations syndicales ont renforcé leurs services d'ordre, confirment plusieurs d'entre elles à franceinfo. "Habituellement, nous sommes entre 30 et 40 personnes pour assurer le service d'ordre à Paris. On sera entre 50 et 60 pour le 1er-Mai", détaille ainsi Louis*, membre du service d'ordre de la CFDT en Ile-de-France. A Paris, les mouvements de jeunesse, qui ne disposent pas de services d'ordre, ont été placés en deuxième position dans le cortège, afin de pouvoir "leur faire bénéficier de notre encadrement", précise Jean-Philippe Tanghe à franceinfo.
Un référent désigné par chaque syndicat
Comme depuis le début de la contestation contre les retraites, l'intersyndicale a multiplié les échanges avec la préfecture de police de Paris, en amont de la mobilisation.
"Le parcours parisien est issu d'une concertation avec les policiers. Il passera par des avenues assez régulières et ne devrait pas rencontrer de travaux, ce qui est plus facile à gérer." Jean-Philippe Tanghe, secrétaire général de la CFE-CGC à franceinfo
Par ailleurs, "chaque organisation syndicale a désigné un référent qui sera en contact permanent avec la police" durant la manifestation. La répartition des tâches entre syndicats et forces de l'ordre est claire : les premiers sont chargés de "ne pas créer de trous dans la manifestation pour éviter que des gens puissent s'infiltrer au milieu" et de veiller à ce qu'il n'y ait "pas d'incident dans nos groupes", détaille Jean-Philippe Tanghe. De leur côté, les forces de l'ordre "gèrent le milieu et l'arrière de la manifestation" et "bloquent le cortège en cas d'infiltration de casseurs pour les chasser et les interpeller", détaille Paul Nascimento, secrétaire national CRS Unsa Police.
Enfin, le ministre de l'Intérieur a demandé vendredi que les policiers et les gendarmes portent "en toute circonstance", notamment le 1er-Mai, leur matricule d'identification (RIO). Les manquements à l'obligation d'arborer ce numéro sur l'uniforme, instaurée en 2014 pour permettre d'identifier un fonctionnaire, notamment en cas de violences, sont en effet légion.
* Le prénom a été modifié à la demande de l'intéressé.
Source: franceinfo