À Lorient, une bien étrange " brigade anticasseurs "
Capuches sur la tête, cagoules vissées jusqu’au nez, gants -coqués parfois- aux mains, baskets, vêtements de sport. On croirait à s’y méprendre à un groupe de jeunes casseurs, venus dans le centre-ville de Lorient, ce vendredi 30 juin au soir, pour en découdre avec les forces de l’ordre. Il n’en est rien. Comme deux journalistes du Télégramme ont pu le constater, comme plusieurs jeunes (photos et vidéos à l’appui) ont témoigné, et comme plusieurs sources policières l’ont confirmé, ce samedi, au Télégramme il s’agissait bel et bien d’une « brigade d’anticasseurs », venus pour en découdre, en effet, mais… avec les émeutiers.
Ce groupe, composé d’entre vingt et trente jeunes hommes, a « chassé du casseur » toute la soirée. « On a laissé faire en début de soirée, parce que ça nous a soulagés, confie une source policière sous le sceau de l’anonymat. Mais en fin de « séquence » (c’est-à-dire lorsque, vers deux heures du matin, le centre-ville a retrouvé son calme, NDLR), certains d’entre nous ont finalement décidé de les disperser, se rendant compte qu’ils y allaient un peu fort. »
Pour le moins. Vers 1 h 10 du matin, à l’angle de la rue de l’Assemblée-Nationale et de la place Alsace-Lorraine, des journalistes du Télégramme ont assisté à deux de leurs « interpellations sauvages » : ils ont attrapé un jeune (« Vous faites ça parce que je suis arabe ! », criait ce dernier), l’ont plaqué à terre, posant un genou sur son dos, avant de lui passer des serre-flex (colliers de serrage) aux poignets, avec assurance. Un peu plus loin, un autre jeune « interpellé » était entouré de plusieurs d’entre eux, qui le faisaient marcher, mains attachées dans le dos et tête maintenue baissée. Un troisième jeune affirme avoir eu le nez cassé.
« Moi, ils m’ont sauvé la vie », confie une commerçante dont le magasin a été ciblé et qui affirme avoir été protégée par cette « brigade », alors que des émeutiers semblaient décidés à « finir le travail » sur son établissement. « Il n’y avait pas tant de forces de l’ordre que cela, hier soir, à Lorient [une cinquantaine, selon nos informations, NDLR], lâche un officiel, en off. Il ne faut pas s’étonner que des citoyens en aient assez… »
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Des « patriotes » ou de jeunes commandos ?
L’article 73 du code de procédure pénale prévoit bien que, « dans les cas de crime flagrant ou de délit flagrant puni d’une peine d’emprisonnement, toute personne a qualité pour en appréhender l’auteur et le conduire devant l’officier de police judiciaire le plus proche ». Pour autant, s’interroge un policier, « on ne fait pas ça cagoulé et masqué, sinon, on s’appelle une milice ».
Reste une question : qui sont-ils ? « Ils ont dit qu’ils étaient des patriotes », rapporte un témoin. D’après deux autres sources policières, certains se sont présentés comme étant des commandos marine (leur siège et leur école sont basés à Lorient). D’active ? Des anciens ? Interrogés au cours d’une de leurs interpellations sauvages, ils n’ont pas souhaité répondre aux questions du Télégramme.
Source: Le Télégramme