Françoise Huguier : "J'ai été prisonnière de guerre à 8 ans, donc rien ne me fait peur"

July 02, 2023
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Interview -. Photographe documentaire, de mode et réalisatrice, la référence Françoise Huguier a été choisie comme marraine du Quai de la Photo, nouveau lieu d'exposition parisien dédié aux artistes contemporains. L'occasion de se prêter au jeu de notre interview «Autopromo».

La Française et académicienne des beaux-arts, installée à Romainville, en Seine-Saint-Denis, évoque les photographes qu'elle admire, ses inspirations du moment, mais aussi les grands événements de sa vie.

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«Je me suis lancée avec l'idée de m'opposer à mon père»

Pourquoi avoir accepté d'être la marraine du Quai de la photo ?

J'aime l'idée de cette péniche en guise de galerie d'art. Et comme il existe de moins en moins de lieux d'expositions à Paris, cette ouverture est une chance pour les photographes. Je découvrirai sur place les photos de Martin Parr, le premier artiste exposé, car je ne connais pas du tout son travail.

Quels photographes m'inspirent ?

Ayant créé seule les Rencontres photographiques de Bamako, je m'intéresse de près au travail des photographes maliens, comme Seydou Keïta et Mahamane Tounkara. Ces deux artistes ont de l'imagination et leurs photos ne ressemblent pas à ce que l'on voit en France. C'est ça qui m'intéresse.

Qui m'a donné le goût de la photo ?

Je me suis plutôt lancée avec l'idée de m'opposer à mon père : il pensait que je voulais créer des albums photos quand je lui ai parlé de mon envie de devenir photographe.

Ai-je toujours le feu sacré ?

Bien sûr, on n'arrête jamais la photo.

J'aime de moi qu'on dise que je suis une emmerdeuse... Françoise Huguier

Le plus grand challenge de ma vie ?

J'ai été prisonnière de guerre à 8 ans, donc rien ne me fait peur. Je n'étais pas attirée par la photographie de guerre, mais j'ai été la seule photographe sur place pendant le coup d'État au Mali contre Moussa Traoré, en 1991.

Mes inspirations du moment ?

Je m'applique à retranscrire la correspondance entre mon grand-père maternel, un noble, propriétaire d'un château en Bretagne, et mon père, roturier. J'ai également retrouvé les lettres d'amour que mon père, alors directeur de plantation en Indochine, envoyait à ma mère en 1930. Absolument extraordinaire !

Mes photos les plus célèbres ?

Sans que je ne sache trop pourquoi, mes trois photos de référence aux yeux du public restent Pêcheur Bozo (Tombouctou, Mali, 1989), Retour d'enterrement (Martinique, 1983) et Nu de salle de bain (Saint-Pétersbourg, 2000). J'apprécie un peu moins cette dernière parce qu'elle ressemble à un tableau or, moi, je suis inspirée par le cinéma. J'adore photographier les réalisateurs, les comédiens, et j'aimerais bien avoir Justine Triet devant mon objectif.

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«Je n'ai jamais été critiquée»

La critique qui me fait plaisir ?

Je n'ai jamais été critiquée.

Ce que j'aime qu'on dise de moi ?

Que je suis une emmerdeuse… Je plaisante ! Étant bigoudène, je sais exactement où je veux aller et comment y parvenir, mais je m'intéresse vraiment aux gens. L'écoute est une de mes principales qualités.

Parler de moi en promo est-il une corvée ?

Cela dépend des questions, et je passe sur celles que je trouve idiotes.

Qu'est-ce que je pense en me regardant Dans le miroir le matin ?

Que j'ai de la chance de ne pas avoir de rides à mon âge… qu'il est bien sûr interdit de mentionner, même si le calcul est vite fait !

Un souvenir fort d'Arles ?

En 2008, j'exposais mes photos d'appartements communautaires à Saint-Pétersbourg, et j'ai eu le plaisir de découvrir le travail du Français Charles Fréger. À Arles, j'ai découvert les photos de Raymond Depardon à San Clemente, un asile psychiatrique sur une île près de Venise, ainsi que les photos qu'il avait prises pendant la guerre civile du Biafra, au Nigeria.

Ce que je vais faire après cette interview ?

Me rendre à l'Académie des beaux-arts (mon mari m'a poussée à me présenter) pour avancer sur le prix de Photographie William- Klein, un des rares photographes que j'apprécie avec William Eugene Smith.

Quai de la Photo, 9, port de la Gare, 75013 Paris. Ouverture mi-juillet. quaidelaphoto.fr

Source: Le Figaro