Nos festivals d’été : le Main Square plus populaire que jamais

July 02, 2023
99 views

« On vient ici depuis 2011, quelle que soit la programm ation ». Ludo, Matthiouz et Mouss ne passent pas inaperçus et c’est bien leur but. Ils portent un tricorne de corsaire et une chemise à fleurs avec leur photo imprimée. Ces anciens de l’Ecole des mines de Douai se moquent un peu de ce qu’ils vont écouter. Ludo est cash : « Moi, j’en ai rien à faire. »

Ils sont des milliers dès l’ouverture à traverser le tunnel qui conduit dans l’écrin de la Citadelle qui a rarement si bien porté son nom. Les festivaliers pouvaient s’amuser, loin des tensions.

Le festival aurait pu ne pas avoir lieu. Ne pas ouvrir vendredi. Ou ne pas se tenir samedi si ç’eût été le chaos la veille. En Île-de-France, les deux concerts de Mylène Farmer au stade de France ont été annulés ainsi que le festival Fnac Live à Paris. Arras est épargné pour l’instant par les violences urbaines. Et les autorités ont estimé pouvoir se passer des 250policiers et gendarmes mobilisés pour sécuriser l’événement.

Entouré d’un groupe, Orelsan plaisante et échange avec le public. Un artiste populaire dans le sens si noble du terme dans un festival populaire. PHOTO SEVERINE COURBE - VDNPQR

Christelle patiente à moins de deux mètres de la grande scène qu’Izïa déboule. « C’est mon rendez-vous musical de l’année, explique cette aide-soignante de 53 ans. Je ne vais ni en concert ni en festival le reste du temps, mais le Main Square, je prends mes places avant même qu’ils annoncent les noms. »

Alix, Jade, Margaux se partagent une frite, un verre d’eau à la main. Elles sont en seconde au lycée Saint-Adrien à Villeneuve d’Ascq. « C’est notre premier festival, on est venu en train. Nos parents viendront nous rechercher à la gare de Lille. » Le festival est devenu un passage prisé pour fêter la fin de l’année scolaire, le bac voire le brevet.

Orelsan a livré le concert le plus réussi et le plus fédérateur de cette dix-septième édition. PHOTO SEVERINE COURBE

Antoine se pâme devant Anna Calvi, l’une des seules artistes rock indé cette année. « Les enfants sont venus pour Tiakola et Damso. Moi le rap français ce n’est pas trop mon truc à part quelques artistes comme Orelsan. Mais Maroon 5 va faire consensus. »

À lire aussi Prince, Coldplay, Kanye West, vingt ans de coulisses du Main Square Festival

Il est loin le temps où le rock dominait au Main Square. Et il est même plus lointain encore le temps où le rock dominait la musique. Le festival n’avait jamais affiché complet en si peu de temps. Et en même temps, les reproches n’ont jamais été aussi virulents. « Festival NRJ », « soupe »... Oui, cette année la programmation est plus « radio » et « urbaine » que jamais, reconnaît le directeur du festival. Mais « on est un festival populaire du Pas-de-Calais », revendique Armel Campagna. Un festival qui a accueilli l’an dernier un public originaire à 83 % des Hauts-de-France quand ce n’était que 40 % en 2011. Attaqué sur sa programmation, le directeur répond qu’il « cherche à faire plaisir. » Et il rappelle des faits. « En 2011, le dimanche sur la grande scène, on a Rival Sons, Bruno Mars, Elbow, Portishead, PJ Harvey, Coldplay. Une affiche qu’aucun festival français n’a jamais pu offrir et ne pourra jamais plus proposer. On n’a pas fait complet. »

Le directeur a aussi compris que programmer des concerts géants ne suffisait pas. Il fallait organiser un festival, faire festival. Le site a poussé les murs. Entre deux concerts ou pendant, les festivaliers font de la tyrolienne, tentent de transformer un panier de basket, jouent aux jeux flamands, se posent dans l’herbe. La friterie Sensas et Chez Momo sont toujours là, mais la proposition culinaire se diversifie chaque année. À lire aussi Tyrolienne, basket, jeux: au Main Square, il n’y a pas que des concerts

On danse, on boit, on s’amuse, on se divertit. Le Main Square est un rendez-vous, un grand événenement.

Ce n’est pas le festival le plus confortable, en particulier quand jouent les têtes d’affiche. Armel Campagna s’en défend, à l’arrière du public, les spectateurs ont de l’espace. « On a une jauge de 42 000 personnes. Si je retire 3 000 places, je tue le festival ou je suis obligé de monter à 80 €. » Déjà que le pass trois jours est passé de 129 à 155€ par rapport à l’an dernier et le ticket journée de 54 à 69. « Les coûts de production ont augmenté de 30 % en un an. » Et les cachets ont suivi. « Il y a de plus en plus de festivals et les artistes veulent moins jouer. »

Ce samedi, le Main Square a accueilli le phénomène musical Aya Nakamura. PHOTO SEVERINE COURBE

Malgré son étiquette de superstar, Maroon 5 a montré de l’envie. Izïa a livré un concert explosif. Et Aya Nakamura a répondu à tous ceux qui la critiquent. Elle est entourée d’un groupe et ça chaloupe. Mais c’est Orelsan qui a mis tout le monde d’accord. Contemporain, fédérateur, généreux. Il a des tubes qui vont rester à l’instar des grandes chansons de la variété. Il possède l’un des meilleurs flows de l’histoire du rap français. Il est entouré d’un groupe, plaisante, échange avec le public. Alors les enfants se sont hissés sur les épaules des parents, les parents ont souri, fraternisé. L’artiste populaire dans le sens si noble du terme dans un festival populaire.

Notre série festivals d’été

En trente ans, le nombre de festivals en France a plus que décuplé, passant de 600 au début des années 90 à 7 822 en 2022. Et notre région suit ce mouvement. Les enjeux de ces moments festifs sont multiples : culturels, mais aussi économiques, de lien social, d’image et d’attractivité. Nous vous proposons donc une série d’été sur les festivals de musique. Une série en mode récit de ces week-ends où «l’on se sent vivant», dixit un festivalier. Et une série où on vous raconte un peu les coulisses. Le troisième volet nous emmènera à Dour.

>>> La Bonne Aventure à Dunkerque, tellement balnéaire

>>> Juliette Armanet à la mer, Clara Luciani en terrasse... Les coulisses de la Bonne Aventure

>>> Prix d’entrée, de la bière, affluence, coups de coeur... La Bonne Aventure 2023 en chiffres et en hits

Source: La Voix du Nord