Jodi Picoult : "Perdre le contrôle de ma vie m'a donné envie de prendre le contrôle de celle d'un personnage"

July 02, 2023
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Avec J'aimerai tant que tu sois là, la romancière à succès revient sur la période du confinement, et en tire un récit d'amour et de résilience.

Diana, 30 ans, a un poste prestigieux chez Sotheby's et un petit ami chirurgien qui s'apprête à la demander en mariage lors de leurs vacances de rêve aux Galápagos. Mais Finn est forcé d'annuler, et Diana, partie seule, reste bloquée dans l'île à cause du Covid… Dans J'aimerais tant que tu sois là, Jodi Picoult brosse le portrait d'une femme qui voit son existence renversée par la pandémie, tout en détournant les codes de la romance feel good grâce à un twist des plus astucieux.

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Madame Figaro. – Comment en êtes-vous venue à écrire sur le Covid ?

Jodi Picoult.–Je suis asthmatique, quand le monde s'est arrêté, j'avais donc un profil à risque, je suis restée enfermée chez moi. Perdre le contrôle de ma vie m'a donné envie de prendre le contrôle de celle d'un personnage. Puis la pandémie s'est déroulée si vite que l'on a oublié les premiers jours, et je voulais écrire un roman qui en garde le souvenir. J'avais entendu parler d'un touriste japonais resté bloqué au Machu Picchu pendant cette période. Il s'est peu à peu intégré à la communauté, et les habitants ont fini par demander au gouvernement de lui donner accès aux sites pour lesquels il était initialement venu. J'ai adoré l'idée de quelqu'un qui se retrouve au paradis alors que le reste du monde vit en enfer. Je ne suis jamais allée au Machu Picchu, mais j'ai visité les Galápagos, où Darwin avait installé son laboratoire. Et la théorie de l'évolution dit que les organismes doivent apprendre à s'adapter sous peine de disparaître, ce qui me paraît une parfaite métaphore du Covid.

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Habituellement vous voyagez pour documenter vos ouvrages. Comment avez-vous procédé ici ?

J'ai fait des interviews par Zoom ! J'ai interrogé un homme qui, comme mon héroïne, s'est retrouvé coincé aux Galápagos pendant la pandémie. Il m'a présenté des habitants qui étaient devenus ses amis. J'ai aussi interviewé des personnes qui avaient été placées sous respirateur, ainsi que plus de quarante médecins et infirmières. Ces professionnels avaient soif de s'exprimer : ils avaient été en première ligne lors de la bataille et avaient à cœur de lutter contre la désinformation alors diffusée par Donald Trump.

Nous avons tous appris à nous réjouir de choses que nous ne remarquions même pas ou considérions comme acquises Jodie Picoult

Votre héroïne envoie promener l'existence qu'elle avait planifiée…

Je voulais évoquer les bouleversements liés à cette période, que nous avons tous vécus d'une façon ou d'une autre. Beaucoup sont tombés malades, certains sont morts, mais tous nous avons appris à nous réjouir de choses que nous ne remarquions même pas ou considérions comme acquises, la possibilité de voir notre famille ou de voyager, par exemple. Pour moi, la première d'une comédie musicale sur laquelle je travaillais depuis huit ans a été annulée avec la fermeture de Broadway. Cela m'a beaucoup affectée, mais parallèlement deux de mes enfants et leurs conjoints se sont isolés près de chez nous, nous avons fini par fusionner nos bulles, et cela m'a permis de passer un temps précieux avec eux. Et cela, je l'ai vécu comme un immense cadeau. C'est aussi pour cette raison que J'aimerais tant que tu sois là est un roman d'amour et de perte, mais également de survie et de résilience.

Source: Le Figaro