Concours Lépine : La victoire et après ? Les anciens lauréats racontent

April 30, 2023
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L’aspirateur, le stylo à bille, le moulin à légumes, le fer à repasser à vapeur ou les lentilles de contact… Tous ces appareils, totalement intégrés dans notre quotidien ont un point en commun : Ils ont été primés au Concours Lépine. Des exemples que des milliers d’inventeurs ont essayé de suivre depuis 1901 et la création du concours par le célèbre préfet Lépine.

Mais parmi les lauréats et leurs créations, beaucoup sont depuis retombés dans l’anonymat. Car si l’annonce du lauréat du prix du président de la République est un événement chaque année, le fameux graal n’est souvent qu’une étape, voir un démarrage pour ces inventeurs.

Fini les « Géo Trouvetou », place aux spécialistes

Si l’image d’Epinal de l’inventeur prolifique à la peau dure, elle est désormais à mille lieues du profil des sélectionnés. « Beaucoup imaginent encore les candidats comme des retraités, des “Géo Trouvetou”, qui passent leur temps et leur imagination dans leur garage. C’est une image surannée”, explique Barbara Dorey, directrice du concours Lépine.

Depuis au moins deux décennies, les candidats au graal suprême tournent autour de la quarantaine et présentent plus souvent un diplôme d’ingénieur qu’une simple passion pour le bricolage. « Le dernier touche-à-tout qui a eu la médaille d’or, c’est peut-être Raoul Parienti en 2010, mais c’était déjà un ingénieur de renom », se souvient Barbara Dorey.

Désormais, les inventeurs sont plus souvent spécialistes dans leur domaine et arrivent avec des projets déjà très développés. Ils voient dans le concours une reconnaissance et un véritable tremplin

« Une formidable promotion » et un « tremplin »

Jean-Louis Hecht, boulanger et vainqueur en 2014 avec son Panivending, un cuiseur et distributeur automatique de baguettes, en témoigne : « Nous avions créé cette machine en 2001. Mais des industriels ont commencé à copier le concept. Le concours Lépine nous a permis de nous identifier comme les véritables inventeurs. » Aujourd’hui à la retraite, il continue de commercialiser sa machine malgré les difficultés liées à la crise des composants et à l’inflation de l’énergie : « Le concours Lépine est une formidable plateforme de promotion. Cela vous donne une notoriété indélébile. »

Thibaut Louvet présente le CapsMe. - R.Le Dourneuf / 20 Minutes

Une notoriété que ne renient pas Jean de Boisredon et Thibaut Louvet, deux ingénieurs à lauréats en 2021 avec CapsMe, les capsules de café réutilisables : « Avant le concours, nous avions vendu 3.000 coffrets et réutilisé 1 million de capsules en un an. Deux ans plus tard, ce ne sont pas moins de 20.000 clients qui ont été conquis et 8 millions de capsules qui ont été réutilisées ! »

Un boum qui ne peut être seulement attribué à leur victoire mais qui a marqué le début d’une vraie accélération. « Cela nous a très rapidement ouvert les portes d’une grande enseigne comme Nature & Découvertes », confie Jean de Boisredon. Un succès qui se confirme puisque le jeune ingénieur se félicite d’avoir conclu un partenariat avec le groupe Fnac-Darty cette semaine, la veille de l’édition 2023. Un joli clin d’œil.

Raphaël Mille aussi ne cache pas l’impact de la médaille d’argent obtenue en 2022 pour siège-ballon Bloon : « En plus d’être valorisant pour les équipes qui travaillent dessus, c’est évidemment un atout considérable dans notre communication. »

Pas d’argent, ni d’accompagnement

Tous mettent en avant le prestige de la fameuse pastille « Lépine ». Mais cela ne suffit pas. Même hautement symbolique, un prix au concours Lépine ne comprend pas de rétribution pécuniaire ni d’accompagnement particulier pour les lauréats. « Un ancien vainqueur m’avait confié que c’était une grande marche mais que ce n’était que la première », s’amuse Frédéric Leybold, tenant du titre du grand prix avec Géocoeur, un défibrillateur qui alerte les personnes à proximité en cas d’arrêt cardiaque.

Agnès Lowe et sa cuvette de toilettes clipsable : Papado - R.Le Dourneuf / 20 Minutes

Infirmier en réanimation et pompier, il confirme que le plus important est surtout de transformer l’essai : « Lépine, c’est une semaine de folie dans les médias, mais après il faut en faire quelque chose. » Frédéric Leybold s’est alors servi de sa « médaille sur la carte de visite » pour rencontrer des investisseurs. Mais une autre difficulté s’est présentée à lui : « Je pensais développer le concept avec l’association dont je fais partie. Mais pour obtenir des subventions, des prêts à la banque ou le soutien de la BPI, il faut créer une entreprise. » « C’est vrai que tout le monde n’a pas la fibre entrepreneuriale et que cela peut s’avérer être un obstacle », explique Barbara Dotey.

Obstacle franchi pour l’infirmier, désormais à la tête de la société Hekatech, créée en septembre dernier avec deux associés. Il ne prévoit pourtant pas de changer de carrière : « J’aime mon métier d’infirmier, je ne compte pas le quitter. Je suis dirigeant d’entreprise lors de mon temps libre. »

Apprendre à gérer une entreprise

Même si elle a dirigé une brasserie pendant plus de vingt ans, Agnès Lowe, inventeure de la cuvette de toilettes clipsable Papado reconnaît la difficulté de rebondir sur le succès après sa médaille d’argent en 2013 : « J’ai été cheffe d’entreprise, ça je connais. Mais la production, la logistique, les emballages… Il a fallu tout apprendre parce qu’on n’est pas accompagnés. Cette médaille, c’est à nous de l’exploiter. »

Il faut croire qu’Agnès Lowe apprend vite puisque avec la création d’un site Internet, des partenariats avec des maisons de retraite, son entreprise a déjà vendu 15.000 cuvettes, salarie trois personnes et vient d’être référencée chez les fournisseurs des Hôpitaux de Paris. De quoi donner de beaux espoirs aux candidats actuellement exposés à la Foire de Paris qui doivent attendre la remise des prix du 8 mai prochain avec impatience.

Source: 20 Minutes