1er-Mai : les mouvements d’action catholique, centre de formation des figures syndicales ?
Sophie Binet, la nouvelle secrétaire générale de la CGT, va connaître sa première manifestation du 1er mai depuis son élection. Celle qui a succédé à Philippe Martinez a connu ces premiers combats militants à gauche à la JOC, la Jeunesse ouvrière chrétienne. Comme elle, de nombreux syndicalistes et politiques de gauche tels que l’ancienne ministre Cécile Duflot, secrétaire général de la CFDT Laurent Berger, l’ancien premier ministre Jean-Marc Ayrault, ou encore les députés Dominique Potier et Pierre Dharréville sont passés par la JOC, la Jeunesse agricole catholique (JAC) ou le Mouvement rural de jeunesse chrétienne (MRJC). Mais ces mouvements d’action catholique sont aujourd’hui en perte de vitesse.
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Pourtant, la JAC comme la JOC ont connu un grand succès lors de leur création dans les années 1920. Ils reçoivent l’adhésion de jeunes chrétiens qui deviennent rapidement adhérents. Bon nombre de camps et autres séjours y sont organisés partout en France. Une multitude d’activités se déploie alors : animation dans les villages, groupes de travail, invitation à l’action, voyages, colloques, loisirs, etc. Les réunions y sont très fréquentes et la sociabilité de ces mouvements nourrit l’existence de ces jeunes adhérents.
Une génération engagée formée par l’action catholique
Mais en 1970, « l’Église se retrouve confrontée à l’expansion du monde séculier dans ses propres rangs », explique Philippe Portier, directeur d’études à l’École pratique des hautes études. Beaucoup de militants rejoignent d’autres mouvements solidaires, plus sécularisés, « quittant le référentiel chrétien dont ils ne veulent plus ». Des espaces de délibération autour de la réflexion sur la féminisation, la modernisation, s’ouvrent, « le combat devient plus social, plus engagé » et la pratique confessionnelle est mise en retrait.
Si le nombre d’adhérents a fortement décliné à partir des années 1970, des jeunes continuent à s’investir. Cécile Duflot en est un exemple. Dans un podcast réalisé par La Croix en 2020, la directrice générale d’Oxfam France se souvient d’un mouvement « infusé de religion, mais aussi ouvert sur le monde et aux différences ».
Il en est de même pour Dominique Potier, député socialiste et ancien membre du MRJC, qui salue cette « école de l’engagement » et ce « lieu de l’articulation entre la foi et l’engagement politique ». Par ailleurs, Pierre Dharréville, député communiste, ex-jociste, a rencontré le bureau national du collectif en février afin d’échanger sur les missions de la JOC dans la société et l’engagement politique des jeunes.
Pour beaucoup, cette expérience au sein de l’action catholique a été fondatrice dans leur parcours militant : ils y ont appris un ensemble de valeurs structurées autour de l’idéal de justice et des modes d’action. Benoît Hamon, ancien membre du Parti socialiste, a travaillé un temps avec le MRJC, sans y avoir été adhérent. Il salue ce mouvement envers lequel il voue un grand respect, « très solide sur ses principes ».
Un essoufflement
Aujourd’hui, « si ces mouvements sont en crise, c’est parce que ces milieux sont en crise », souligne Anthony Favier, professeur agrégé d’histoire (1) : « on ne se revendique plus ouvrier, mais plutôt rural ou populaire ». Par ailleurs, la crise de la transmission entre les générations a favorisé le déclin de ces mouvements d’Église, dont au fil du temps, les membres ont rejoint les rangs de mouvements non confessionnels, comme l’Union nationale des étudiants de France (Unef) ou des partis politiques.
À ce jour, la JOC revendique 6 000 jeunes, issus principalement des quartiers populaires de zone urbaine. Ils étaient 10 000 en 2016. Quant au MRJC, accueillant davantage de jeunes ruraux, toutes professions confondues, il touche un public de 3 000 personnes. L’action catholique demeure très liée au monde de l’économie sociale et solidaire et accompagne une jeunesse qui s’engage pour la justice et la dignité au travail, inspirée par les valeurs de l’Évangile.
Source: La Croix