Biens mal acquis : la justice française confirme les saisies du patrimoine Salamé
La cour d'appel de Paris a confirmé mardi les saisies opérées sur le patrimoine attribué au gouverneur de la Banque du Liban (BDL) Riad Salamé et soupçonné d'avoir été frauduleusement acquis, a confirmé à L'Orient-Le Jour une source judiciaire française haut-placée.
Selon des sources proches du dossier citées par l'AFP, la chambre de l'instruction a confirmé la validité de ces saisies opérées sur le patrimoine immobilier et bancaire en Europe de celui qui dirige la BDL depuis 1993.
Le camp du gouverneur contestait toute une série de saisies opérées par la France et dont la valeur se chiffre en dizaines de millions d'euros: appartements dans le XVIe arrondissement parisien ou sur les Champs-Elysées, au Royaume-Uni, en Belgique, comptes bancaires...
Ce patrimoine aurait été acquis via un montage financier complexe et un détournement massif de fonds publics, qui fait l'objet de plusieurs enquêtes européennes et d'une enquête au Liban.
La source française interrogée par L'OLJ affirme que la présidente de la chambre d'instruction de Paris a confirmé l'ensemble des saisies demandées par la juge d'instruction Aude Buresi sur les biens immobiliers en France et en Europe du patron de la BDL et des personnes impliquées, ainsi que sur leurs comptes bancaires. L'audience a duré une dizaine de minutes en tout.
La source n'a pas voulu citer les noms de ces personnes impliquées, mais, selon un magistrat libanais qui a requis l'anonymat, il s'agirait du frère du patron de la banque centrale Raja Salamé, l’ex-compagne du gouverneur de la BDL, Anna Kosakova, et l'ex-assistante du chef de la banque centrale, Marianne Hoayek, ainsi que d'autres personnes dont l'identité n'a pas été divulguée.
A part le patrimoine immobilier, les saisies ont été effectuées sur des sociétés de placement d'actifs servant à dissimuler les fonds appartenant aux personnes impliquées dans ce dossier, toujours selon la même source.
La restitution des biens saisis est une question qui sera tranchée beaucoup plus tard, au moment de l’audience devant le tribunal correctionnel, selon cette source. Les biens confisqués pourront alors servir à payer les dommages et intérêts des parties. Si les fonds sont publics, il est probable que le Liban se voit octroyer davantage de dommages et intérêts.
"Alors que les recours avaient été annoncés à grand bruit, cette confirmation effrite un peu plus la défense du clan Salamé, tout en consolidant une procédure déjà très lourde. La procédure marque une avancée certaine", ont réagi Me William Bourdon et Vincent Brengarth, avocats de l'association Sherpa et du Collectif des victimes des pratiques frauduleuses et criminelles au Liban (CPVCL), parties civiles.
L'enjeu était important: dans ses réquisitions, le parquet général de la cour d'appel avait demandé confirmation des saisies, estimant que si elles étaient annulées, cela priverait la France, en cas d'éventuelle condamnation un jour, de "toute perspective de confiscation" des biens.
"C'est le nerf de la guerre", avait commenté un protagoniste du dossier à l'AFP. "C'est la principale action concrète possible dans ce dossier", avait ajouté une source proche du dossier.
Après sa non-parution à une convocation de la justice française le 16 mai, Riad Salamé fait en effet l'objet depuis le même jour d'un mandat d'arrêt international émis par la juge d'instruction financière chargée de ce dossier.
Mais le Liban refuse d'extrader ses ressortissants et les juge sur son sol s'ils sont condamnés à l'étranger, ce qui rend peu probable la perspective d'un procès en France avec l'intéressé.
Le gouverneur, qui est très lié à la classe politique, continue d'assumer ses fonctions à la tête de la BDL et a évoqué en mai des accusations "infondées". Son mandat s'achève en juillet.
L'information judiciaire française a été ouverte en juillet 2021.
Source: L'Orient-Le Jour