Psychodrame politique à Marseille autour du château de Marcel Pagnol dont la gestion est reprise par la mairie
La ville de Marseille va récupérer la gestion du château de la Buzine, le supposé "Château de ma mère" de Marcel Pagnol, jusqu'à présent piloté par son petit-fils Nicolas, qui crie à "l'expropriation culturelle".
Tout commence mi-juin par ce titre du Figaro : "La mairie de Marseille nous vire" : Pagnol congédié du "Château de ma mère". Ce château, au style éclectique, est situé sur les hauteurs de Cité phocéenne, à deux pas des collines que Marcel Pagnol sillonnait enfant. Lorsqu'il le rachète, en 1941, pour y construire ses nouveaux studios, il y voit le fameux château que sa mère avait peur de traverser.
Occupé par les Allemands pendant la guerre, vendu à un promoteur au début des années 70, il tombera ensuite en désuétude avant que la mairie ne le rachète en 1995 pour en faire une Maison des cinématographies de la Méditerranée. Depuis cinq ans, c'est une association présidée bénévolement par Nicolas Pagnol qui le gérait. Mais le Printemps marseillais, union de gauche et écologiste arrivée aux commandes de la ville en juin 2020, avait effectivement décidé de confier la délégation de service public à une autre structure, le Centre de Culture Ouvrière (CCO), notamment parce qu'il était moins cher.
Droite et extrême droite vent debout
La levée de bouclier est immédiate et une pétition ("Rendez Marcel Pagnol à la Buzine") était lancée. A ce jour, elle a enregistré plus de 60 000 signatures, dont celle du comédien Philippe Caubère, qui incarna le père de Marcel Pagnol dans La Gloire de mon père et Le Château de ma mère. Des héritiers de Raimu et Fernandel l'ont publiquement soutenu : "Si on accepte de mettre Pagnol à la porte de la Buzine, autant dynamiter Notre-Dame-de-la-Garde pour en faire un salon de thé !", s'est par exemple emporté Franck Fernandel dans Nice-Matin.
Et rapidement, le sujet tourne à la polémique politique, sur fond de défense de la culture provençale par la droite et l'extrême droite. Président de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur, Renaud Muselier, sur Twitter, se dit "scandalisé par le traitement réservé à Nicolas Pagnol". "C'est l'âme de Pagnol qui est mise en balance", embraye la présidente LR de la métropole Aix-Marseille-Provence Martine Vassal.
Marion Maréchal, vice-présidente exécutive de Reconquête!, le parti d'Eric Zemmour, tweete : "Quand le patrimoine n'est pas laissé à l'abandon, il est réquisitionné par la gauche pour y faire des projets "sociaux", sous-entendant même la possible installation d'"un centre de migrants".
"C'est pas le Far West Marseille"
"Notre combat se doit d'être neutre politiquement", recadre Nicolas Pagnol en précisant : "Le château ne sera pas transformé en centre d'accueil ni en centre social mais en centre d'éducation populaire par le cinéma". Pour la mairie, il était obligatoire de mettre en concurrence la délégation de service publique. "C'est pas le Far West Marseille", tance le maire Benoît Payan devant des journalistes. Finalement, la mairie a décidé de récupérer la gestion du lieu en régie municipale. Vendredi, le Conseil municipal sera appelé à voter pour la fin de la délégation de service public mi-septembre. Puis, à la rentrée, il devra acter la reprise en régie municipale.
Officiellement cette décision n'est pas due à la levée de bouclier mais à "un micro-sujet de publication sur une revue spécialisée qui n'a pas été respectée" et aurait pu casser la procédure, a assuré l'adjoint aux Finances Joël Canicave à la presse. La vingtaine de salariés sera automatiquement reprise et le lieu restera consacré au cinéma populaire, avec un focus sur l'information aux métiers du cinéma. "On a proposé à Nicolas Pagnol d'être président d'honneur du château, ce qu'il a refusé", a-t-il ajouté.
Les institutions culturelles pointées du doigt
Cette polémique n'aura en tous cas pas aidé à redorer le blason des institutions culturelles marseillaises, régulièrement pointées du doigt. Vendredi, le Conseil municipal sera d'ailleurs informé d'un rapport de la chambre régionale des comptes accablant pour l'opéra municipal, "un équipement qui va à vau-l'eau" a reconnu Joël Canicave. Après 25 ans de gestion Gaudin, "on a récupéré ce dossier comme beaucoup d'autres dans un état délétère", a relevé l'adjoint, soulignant que sa majorité a eu d'autres priorités à gérer, notamment l'état des écoles. En 2022, les musées municipaux avaient déjà été épinglés par la Chambre régionale des comptes.
Source: franceinfo