Autonomie : de la délibération votée à l'Assemblée de Corse à sa mise en œuvre, un long chemin à venir

July 06, 2023
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Et maintenant ? C'est la question désormais sur la table après le vote intervenu à l'Assemblée de Corse, dans la nuit du mercredi 5 au jeudi 6 juillet, au terme de quarante-huit heures de tractations et de conclaves qui ont abouti à l'adoption, peu avant minuit, d'une délibération en faveur d'un statut d'autonomie par 46 voix sur 63. Sans arriver à l'unité politique un temps imaginée, mais en recueillant malgré tout une large adhésion au sein de l'hémicycle.

Une adhésion qui est le résultat de la convergence des trois groupes nationalistes - Fà populu Inseme (majorité territoriale), Avanzemu, et Core in Fronte - élargie à la contribution de Pierre Ghionga sur les bancs d'Un Soffiu Novu.

La droite - sa propre motion a été rejetée ne recueillant que 17 suffrages tandis que Jean-Christophe Angelini a regretté que "la diversité n'ait pas été respectée" - s'est prononcée contre, hors vote Ghionga. Josepha Giacometti-Piredda pour Corsica Libera s'est, elle, abstenue.

Les deux textes vont à présent être transmis au gouvernement et au chef de l'État qui avait enjoint le président de l'exécutif insulaire, Gilles Simeoni, à lui remettre "une proposition (...) avant le 14 juillet". Calendrier tenu.

Clause de revoyure

La motion de la droite, pour "non-adoptée qu'elle soit, montera à Paris sans le visa de l'Assemblée de Corse, expliquait ce matin, de son côté, Jean-Martin Mondoloni. Ce trajet se fera par une voie non officielle puisque la voie officielle, c'est le texte de l'Assemblée. Ce qui n'interdit et n'empêche en rien, pour notre part, de continuer à faire vivre notre réflexion auprès du gouvernement. C'est ce que nous ferons".

La délibération en faveur d'un statut d'autonomie portée par les nationalistes, un document de quinze pages, réclame un pouvoir législatif dans tous les domaines pour l'Assemblée de Corse, sauf ceux relatifs au régalien.

Elle pose également noir sur blanc la "reconnaissance juridique du peuple corse", "un statut de coofficialité de la langue corse" et le "lien entre le peuple corse et sa terre" via "un statut de résident".

À la clé, le souhait que l'accord politique trouvé soit soumis à un référendum dans l'île et prenne sa place sous la forme d'un "titre dans la Constitution consacrant l'autonomie". Enfin, une clause de revoyure à quinze ans pour faire un point sur une possible évolution figure parmi les caps tracés.

"Il serait paradoxal qu'à l'aune d'une telle complétude politique, d'une telle clarté dans la définition des besoins et moyens, on nous oppose un refus une nouvelle fois absurde", a lancé mercredi soir dans l'hémicycle Paul-Félix Benedetti, évoquant une proposition la plus "harmonieuse" possible.

Le projet s'apprête à être épluché par les services de l'État au plus haut niveau, avec pour ultime tamis, l'arbitrage du président de la République qui avait fixé à plusieurs reprises ses lignes rouges : maintien de la Corse dans la République et refus de créer deux catégories de citoyens.

Honnêteté intellectuelle

"Chacun va être dans l'attente de l'arbitrage institutionnel parce que c'est une affaire constitutionnelle et ce n'est pas l'Assemblée de Corse qui a la maîtrise du calendrier en la matière, c'est le président de la République, Emmanuel Macron", glisse-t-on dans le premier cercle du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin.

La prudence est de mise, convient le patron du PNC. "Si à chaque fois que nous avons dit qu'un texte était fondateur, il l'avait véritablement été, ce pays aurait connu une autre destinée", n'oublie pas le chef de file du groupe Avanzemu. Au-delà, Jean-Christophe Angelini estime que "nous n'avons pas l'impression de soumettre à l'État un projet révolutionnaire. Bien plutôt ce qui relève du droit commun de centaines de milliers de personnes".

La session dédiée à l'autonomie s'est refermée, avec dorénavant un processus à faire vivre et aboutir. En corollaire, un long chemin à parcourir de la co-rédaction du projet hier à sa mise en œuvre demain.

En attendant, les discussions ont laissé des traces. Non pas entre nationalistes, cette fois.

Mais au sein du groupe Un Soffiu Novu que quitte Pierre Ghionga, "pour des raisons d'honnêteté intellectuelle et par souci de cohérence", confirme l'intéressé. "Dès lors que nous allons suivre la problématique d'autonomie tout au long de la mandature, il serait dérangeant pour moi et mon groupe que j'affiche régulièrement des votes différents. Je pars en toute amitié, j'ai prévenu Laurent Marcangeli, je n'ai aucune animosité, et surtout je ne me suis pas vendu à Gilles Simeoni".

L'élu siégera pour la suite en tant que non-inscrit.

Source: Corse Matin