Otan : la transformation d’Emmanuel Macron au sujet de l’Alliance

July 10, 2023
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Sur l’Otan, il convenait de remettre les pendules à l’heure. Emmanuel Macron a déminé le terrain des maladresses passées lors du sommet Globsec mercredi 31 mai à Bratislava, en direction d’une Europe centrale convaincue du rôle vital de l’Alliance atlantique. Il fallait prendre ses distances avec ses propos antérieurs à la guerre en Ukraine, lorsqu’il estimait que l’Otan était en état de « mort cérébrale ». « Vladimir Poutine l’a réveillée avec le pire des électrochocs », a-t-il rétabli en Slovaquie.

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Sur l’Europe de la défense, le président français a rivalisé de précautions, pour évacuer les « fantasmes » sur ses intentions : « Je ne veux pas remplacer l’Otan par je ne sais quelle sorte de condominium franco-allemand, non ! » Le locataire de l’Élysée défend à présent la création d’un « pilier européen au sein de l’Otan ». Oui, mais avec des Européens qui se dotent d’une« capacité de frappe dans la profondeur » et qui achètent en priorité des armes européennes.

Incompréhension

Une nuance qui n’invite pas à la confiance totale, explique Hélène Miard-Delacroix, historienne des relations franco-allemandes. « Les Allemands se sentent fragilisés, ils ne veulent pas se lancer dans une aventure qui risquerait un tant soit peu de les éloigner de cette protection tendue par les Américains depuis le pont aérien de 1948. » À Berlin comme à Varsovie, la hausse des moyens de défense sert essentiellement à acheter « made in USA ».

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De chaque côté du Rhin, l’incompréhension domine sur les projets d’armement et l’architecture de défense européenne. Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Robert-Schuman, résume ainsi la situation : « L’Allemagne semble tétanisée par le bouleversement de son environnement qui lui a permis, après guerre, de se reconstruire ; la France semble frustrée de ne pas voir ses anticipations reconnues à leur juste place. Ces crispations contaminent désormais l’Union européenne au sein de laquelle les deux partenaires s’opposent souvent. »

Les timides conclusions du Conseil européen, vendredi 30 juin, montrent de faibles avancées sur les garanties de sécurité à l’Ukraine. La question revient à débattre des perspectives d’adhésion de Kiev à l’Otan. Et, sur ce point, les Vingt-Sept n’ont pu qu’observer leurs divisions.

« La méfiance grandit du côté français quant à l’engagement allemand »

Peu avant, le 23 juin, les critiques de Paris ont fusé sur les enjeux d’autonomie stratégique européenne, à l’occasion du Salon du Bourget. Emmanuel Macron a du mal à accepter le projet de bouclier aérien « Euro Sky Shield » défendu par le chancelier Olaf Scholz et soutenu par 13 États membres de l’Otan. Pour protéger l’Europe, le président français voudrait du matériel européen (franco-italien notamment), tandis que le chancelier prône les Iris-T allemands pour la courte portée, le Patriot américain pour la moyenne portée et l’américano-israélien Arrow-3 pour la longue portée.

L’Allemagne brandit de son côté l’argument de « l’urgence » pour justifier son choix. Lors des achats d’armement, le facteur temps est désormais la priorité : « Tout doit lui être subordonné », a énoncé le ministre de la défense Boris Pistorius. L’Allemagne réserve à la France les projets de long terme. L’avion de chasse européen (Scaf) et le char du futur sont des objectifs inscrits dans la toute première « stratégie nationale de sécurité » publiée il y a trois semaines par le gouvernement. Mais ces appareils en sont au stade de la conception.

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« Le problème est que la méfiance grandit du côté français quant à l’engagement du gouvernement allemand pour renforcer la souveraineté européenne à travers des projets structurants comme le Scaf », note Jacob Ross, de l’Association allemande de politique étrangère (DGAP). Or, à Vilnius, le « pilier européen au sein de l’Otan » ne pourra être édifié que si les Européens, aux côtés de Paris et Berlin, s’assurent que ses fondations sont solides.

Source: La Croix