Marche pour Adama Traoré : la majorité à l’Assemblée demande des sanctions contre les députés ayant participé au rassemblement
Assa Traoré et le député LFI Eric Coquerel, lors d’une manifestation interdite contre les violences policières, le 8 juillet 2023, à Paris. THOMAS PADILLA / AP
Les trois groupes de la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale ont appelé, mardi 11 juillet, la présidente de l’institution à sanctionner les députés de gauche ayant participé au rassemblement interdit en mémoire d’Adama Traoré.
Environ 2 000 personnes, dont une dizaine de députés La France insoumise (LFI) et Europe Ecologie-Les Verts (EELV), ont marché samedi à Paris en mémoire du jeune homme de 24 ans, mort il y a sept ans peu après son interpellation par des gendarmes. Le rassemblement avait été interdit par la Préfecture de police, qui a invoqué des craintes de troubles à l’ordre public après les récentes violences urbaines.
« L’article 70 alinéa 2 de notre règlement dispose pourtant que tout membre de l’Assemblée se livrant à des manifestations troublant l’ordre peut faire l’objet de peines disciplinaires », ont écrit mardi les trois présidents des groupes du camp présidentiel – Aurore Bergé (Renaissance), Jean-Paul Mattei (MoDem) et Laurent Marcangeli (Horizons) – dans une lettre adressée à la présidente (Renaissance) de l’Assemblée, Yaël Braun-Pivet.
Cet article dispose que tout membre de l’Assemblée « peut faire l’objet de peines disciplinaires » en se livrant « à des manifestations troublant l’ordre » ou s’il « provoque une scène tumultueuse ».
« L’article dit que la présidente de séance dispose d’un pouvoir de sanction lorsqu’il y a un trouble à l’ordre, mais pas un trouble à l’ordre public : un trouble dans le bon fonctionnement des débats » à l’Assemblée, a rétorqué en conférence de presse le député socialiste Arthur Delaporte. Dans le cas contraire, « l’Assemblée se substituerait à la justice et là c’est extrêmement grave », a insisté l’élu du Calvados.
Dans un communiqué commun, les présidents des groupes de la Nupes (LFI, PS, EELV, PCF) ont demandé à Mme Braun-Pivet « de ne pas se prêter à cette nouvelle pression ». Pas question, selon eux, de donner le pouvoir « à une majorité de limiter l’exercice du mandat et la liberté d’expression d’un député de l’opposition ».
Echarpe tricolore
Les trois signataires de la lettre demandent une saisine du bureau de l’institution pour décider d’éventuelles sanctions. Ils dénoncent le fait que les « députés portaient à cette occasion leur écharpe tricolore et maintenaient leur présence à une manifestation au slogan de “tout le monde déteste la police” », en citant nommément des élus, comme la présidente du groupe LFI, Mathilde Panot, le président LFI de la commission des finances, Eric Coquerel, ou encore l’écologiste Sandrine Rousseau.
« C’est un slogan entonné depuis des années et personne n’a jamais été demander des comptes aux députés qui étaient dans ces manifestations, c’est sidérant », a dénoncé auprès de l’Agence France-Presse Eric Coquerel. « Je vais demander dans ces cas-là des comptes à tous les députés qui applaudissaient les syndicats d’extrême droite qui expliquaient que la justice était un problème, devant l’Assemblée nationale », a-t-il poursuivi, en référence à une manifestation de syndicats de policiers en 2021 à laquelle avaient participé des élus. « A force d’interdire tout ce qui vous dérange, vous étouffez la démocratie », a abondé l’écologiste Sophie Taillé-Polian, sur Twitter.
Le député du Rassemblement national Aurélien Lopez-Liguori a soulevé le sujet à l’Assemblée nationale lors de la séance de questions au gouvernement, accusant « La France insoumise et les écologistes de souffler sur les braises de l’anarchie ». « C’est aux Français de les sanctionner dans les urnes et à la justice d’agir », a-t-il estimé.
Le garde des sceaux, Eric Dupond-Moretti, lui a répondu qu’il trouvait « scandaleux » que les députés présents n’aient pas quitté la manifestation alors que la police était critiquée. « Participer à une manifestation interdite est une infraction », a-t-il souligné, suggérant à M. Lopez-Liguori de faire un signalement. Sur Twitter, Mathilde Panot a épinglé en retour un « dégoûtant arc réactionnaire et autoritaire ».
« Ceux qui ont défilé au son de “tout le monde déteste la police” sans s’écarter, sans faire un tweet, sans regretter, ne déshonorent pas la police nationale mais déshonorent leur mandat et la vie d’hommes et de femmes politiques », a insisté le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin. « Plutôt que de donner publicité à des extrémistes qui crachent sur la tombe des policiers morts, (…) je voudrais vous faire applaudir tous les policiers morts en service », a-t-il répondu à la députée Emilie Chandler (Renaissance) avant d’en dresser la liste.
Manifestation en mémoire d'Adama Traoré | @EmilieChandler (RE) dénonce la participation de députés à des manifestations interdites.
Elle demande au Gvt "comment il entend concrétiser la reconnaissance et le soutien à apporter à nos forces de l'ordre".#DirectAN #QAG pic.twitter.com/ksAZCX2sgE — Assemblée nationale (@AssembleeNat) July 11, 2023
En novembre, trente-six députés de la majorité (Renaissance et MoDem) avaient appelé en vain à des « sanctions » de l’Assemblée nationale contre les députés participant à des manifestations interdites, en visant notamment des écologistes ayant participé à celle à Sainte-Soline contre un projet de retenue d’eau.
Source: Le Monde