"C'est le retour sur Terre" : pourquoi les défaillances d’entreprises se multiplient
Les faillites ont bondi de 35% sur un an au deuxième trimestre, selon le cabinet spécialisé Altares. Les activités à destination des consommateurs sont les plus durement touchées.
Alors qu’elles restaient depuis plusieurs mois à des niveaux particulièrement bas, les défaillances d’entreprises repartent sensiblement à la hausse. Publiée ce mercredi, une étude du cabinet spécialisé Altares relève leur bond de 35% sur un an, au deuxième trimestre. 13.266 ont été dénombrées sur la période, soit le «plus lourd bilan de deuxième trimestre depuis 2016, bien au-delà des niveaux de défauts d'avant-crise», souligne le document.
Cette hausse notable était attendue, analysent plusieurs acteurs. Après près de trois années de «quoi qu’il en coûte» à la suite de la crise sanitaire, mettant l’économie hexagonale sous perfusion, les acteurs pointent d’une part un «effet rattrapage», à l’image du nouveau patron du Medef Patrick Martin ce mercredi sur RTL. «On est rappelé par la pesanteur, c’est le retour sur Terre», juge lui aussi Denis Ferrand, directeur général de l’institut Rexecode. Même constat chez le médiateur des entreprises, Pierre Pelouzet : «On est en sortie d'une période particulière, on a eu toute la période des aides qui ont gelé toute l'économie. On ressort de cela, du coup les entreprises déjà fragiles ou dans un domaine qui se fragilise sont en train petit à petit de décliner», a-t-il développé sur BFM Business ce mercredi matin. Les échéances des prêts garantis par l’État (PGE), souscrits par nombre d’entre elles pendant la période du Covid, pèsent en plus sur leur trésorerie.
Dans ce contexte, les entreprises «zombies», qui avaient survécu grâce aux aides publiques pendant la période du Covid, sont ainsi en première ligne. «Les activités à destination des consommateurs sont les plus durement sinistrées : restauration rapide, alimentation générale, coiffure, réparation et vente de véhicules», note Thierry Millon, directeur des études au cabinet Altares. On peut également citer l’habillement, dont Altares note qu’il affiche la hausse de défauts - un bond de 72% - la plus sévère au deuxième trimestre dans le secteur du commerce. Don’t call me Jennyfer, Du pareil au même, Burton... Les difficultés de nombreuses enseignes bien connues ont marqué l’actualité, ces derniers mois. Dans le domaine des services aux particuliers, également, «les défaillances atteignent des seuils jamais observés sur dix ans dans l'aide à domicile, les crèches et les dentistes», constate Altares.
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Vers un «mur des faillites» ?
Ces résultats concentrés sur certains secteurs s’expliquent avant tout par «les arbitrages que réalisent les consommateurs, en raison du poids de l’inflation, qui se font aux dépens de dépenses jugées non essentielles», indique Thierry Millon. Plus largement, les modèles économiques évoluent, laissant certaines entreprises sur le carreau. «Il y a une évolution sur la typologie d'entreprises en difficulté», observe Pierre Pelouzet, citant les commerces et, plus particulièrement, les magasins de vêtements. «Le commerce ne s’est pas toujours adapté à l’accélération du commerce en ligne», abonde Denis Ferrand.
Les entreprises en difficulté ne sont pas non plus aidées par le contexte économique atone. L’activité économique tourne au ralenti depuis plusieurs trimestres, et encore en ce début d’année, avec une croissance de 0,2% au premier trimestre 2023 selon l'Insee. Un «ralentissement économique» pointé du doigt par Patrick Martin sur RTL pour justifier la hausse des défaillances. Après une période durant laquelle les Urssaf avaient arrêté d’assigner les entreprises devant le tribunal de commerce pour non-paiement de cotisations, «elles ont recommencé début 2023», note par ailleurs Denis Ferrand, même si elles le font encore «de manière feutrée», ajoute-t-il.
Ces indicateurs présagent-ils un «mur de faillites» tant redouté ? Le monde économique semble plutôt optimiste. «Sauf à ce que les assignations Urssaf accélèrent fortement à la rentrée, le prévisionnel de 55.000 défauts en 2023 reste envisageable», anticipe Thierry Millon, soit encore très loin du pic des 63.000 observé en 2015. Dans une interview aux Échos le mois dernier, le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau avait également dit croire «à une vigilance au cas par cas, pas à une alerte générale, ni à un “mur de faillites” en France». «Sauf à imaginer un scénario économique catastrophique, ce qui n’est pas le plus probable, on va rester sur des niveaux élevés de défaillances, sans qu’il y ait forcément une accélération très forte», confirme Denis Ferrand.
Source: Le Figaro