Disparition d'Emile : du Vernet à Ganagobie et Peyroules, le mystère de 3 enfants disparus dans les Alpes-de-Haute-Provence
Le Vernet, Ganagobie, Peyroules
Les recherches se poursuivent dans le village du Vernet (Alpes-de-Haute-Provence) afin de retrouver le petit Emile, porté disparu depuis le samedi 8 juillet, aux alentours de 17 heures, alors qu’il jouait dans le jardin de la résidence familiale de ses grands-parents. Le petit garçon, âgé de deux ans et demi, a été aperçu seul pour la dernière fois par deux témoins samedi dans le hameau du Haut-Vernet qui se trouve à près de 2 km au-dessus de l’entrée du village, toujours bouclé, ce mercredi 12 juillet, par la gendarmerie pour les besoins de l’enquête, "pour recherche des causes de la disparition " confiée à la Section de recherche (SR) de la gendarmerie de Marseille. "À l’heure où je vous parle, les opérations n’ont pas apporté d’éléments utiles à l’enquête. (...) Emile n’a pas été retrouvé", a reconnu, le mardi 11 juillet, le procureur de la République de Digne-les-Bains, Rémy Avon, lors d’un point presse. "Nous n’avons aucun indice, aucune information, aucun élément qui puisse nous aider à comprendre cette disparition", avait alors souligné le magistrat. Le mystère demeure malgré la mobilisation de près de 800 personnes, gendarmes, sapeurs-pompiers et bénévoles.
Mai 1989 : la disparition inexpliquée du petit Yannis à Ganagobie "Cela nous remémore beaucoup de choses. J’ai envoyé un petit message de soutien au maire du Vernet, François Balique", témoigne la maire depuis 2020 de Ganagobie, Sylvie Belmonte, 67 ans. Il y a 34 ans, "j’étais secrétaire de mairie et j’ai participé aux recherches pour essayer de retrouver le petit Yannis". La récente disparition du petit Émile au Vernet fait malheureusement écho à celle de Yannis Moré, âgé alors de 3 ans, le 2 mai 1989 à Ganagobie, un village calme et paisible de 90 habitants dans ce même département des Alpes-de-Haute-Provence. Ce jour-là, vers 10 heures, Yannis disparaît, mystérieusement, alors qu’il s’amuse avec trois de ses frères, alors âgés entre 5 et 9 ans, dans une petite cabane à quelques mètres de la maison familiale, entourée d’une vaste forêt, située dans le hameau du Belvédère qui surplombe la rivière de la Durance. Une centaine de gendarmes, militaires, sapeurs-pompiers et bénévoles vont alors participer aux opérations de secours. Pas de témoin, ni d’indices. Pas de suspect, ni de rançon.
Lors d’une interview accordée à La Provence, le 2 mai 2016, la maman de Yannis, Pascaline Moré, tient le dernier portrait "vieilli" de son enfant réalisé en 2009 pour ses 20 ans. Photo Jérémy Michaudet
"Nous étions installés à Ganagobie depuis 18 mois... Je les voyais s’amuser depuis la fenêtre. C’était la première fois qu’ils me demandaient d’aller au-dessus de la maison. J’ai dit à l’aîné de faire attention à son petit frère. Ils m’ont dit que Yannis allait voir les chiots d’un voisin à côté", avait expliqué la maman de Yannis, Pascaline Moré, dans une interview accordée à La Provence, le 2 mai 2016. Yannis est-il toujours en vie ? "Je veux savoir ! Enfin ?", hésitait-elle. "Pourquoi pas... On ne sait jamais. On ne saura sûrement jamais. On se donne de l’espoir", confiait-elle alors.
Déposé comme "par regret", l’enlèvement ne fait aucun doute Seize mois après la disparition de Yannis, un chasseur découvre, le 1er octobre 1990, à l’aplomb du prieuré de Ganagobie (600 mètres à vol d’oiseau de la maison) deux souliers "dans une zone boisée qui avait été pourtant fouillée", rappelait dans la Provence, le 2 mai 2016, Gérard Puig. L’ancien major de la Brigade de recherche (BR) de la gendarmerie de Digne-les-Bains, en retraite en 2009, a travaillé de 1989 à 1999 sur la disparition de Yannis Moré. "Les deux chaussures en cuir sont posées côte à côte et les lacets sont défaits. Je reste persuadé que quelqu’un les a déposés, peut-être par regret et pour être retrouvé, confiait-il alors. Je découvre ensuite, sur une touffe de thym, une médaille en or et une chaîne au bord d’un ruisseau sec. À quelques mètres, se trouvent les vêtements humides : slip, une chaussette, survêtement et son anorak". À l’époque, les analyses biologiques n’ont pas révélé de traces de sang. "Autres certitudes, au printemps, les vêtements n’étaient pas là, la tige en fer de la fermeture éclair est cassée et l’élastique du bas de survêtement est coupé avec quelque chose de tranchant", expliquait l’ancien gendarme.
Gendarme retraité, Gérard Puig a été pendant 10 ans l’un des directeurs d’enquête dans la disparition de Yannis Moré. Photo Jérémy Michaudet
"Le scénario le plus plausible" "Le scénario le plus plausible est que la personne qui a enlevé le petit connaissait les lieux et savait même que les enfants étaient là. Il a agi au moment où Yannis s’est retrouvé seul. Au-dessus de la cabane, il y a un sentier pédestre avec la possibilité de stationner un véhicule à proximité et de repartir en évitant le village, par le haut. On a pensé un temps que le corps aurait pu être caché lors de la construction de l’autoroute... J’ai toujours eu la conviction que le petit avait été enlevé. Mais par qui, comment et pourquoi ?", estimait Gérard Puig dans les colonnes de La Provence. Les prélèvements ADN réalisés dans les années 1991-1992 n'ont pas permis de faire avancer l’enquête. L’instruction a été clôturée en 2001. Les analyses ont écarté des affabulateurs. En 2014, un individu, résidant à Ganagobie, a affirmé savoir où l’enfant était enterré. C’était un conflit de voisinage. Des vérifications ont été menées dans le Var et même au Royaume-Uni, en Algérie ou encore en Belgique. Quatre juges d’instruction ont été saisis entre 1989 et 2001. Emprunté au Fédéral Bureau of Investigation (États-Unis), le vieillissement des portraits d’enfants disparus a été utilisé pour la première fois en France en 1992. Yannis a été le premier enfant vieilli à l’âge de 6 ans.
Après la disparition de Yannis Moré, 3 ans, le 2 mai 1989 à Ganagobie, une centaine de personnes se sont mobilisées afin de le retrouver. Photo archives LP
Un enfant signalé disparu en 2022 toute les 12 minutes Dans un dernier rapport publié en mai 2023, "le 116 000 Enfants Disparus", numéro d’urgence officiel coordonné et géré par la fondation Droit d’Enfance, indique que 43 202 disparitions de mineurs ont été signalées en 2022, en France aux policiers et gendarmes selon le ministère de l’Intérieur. "Un chiffre en légère baisse (-1,5 %) par rapport à l’année précédente mais qui demeure très élevé : un enfant a été signalé disparu toutes les 12 minutes", relève le rapport. Ces auteurs notent 41.158 fugues "dont la portée reste souvent minimisée alors qu’elles représentent pourtant un véritable espace de mise en danger pour l’enfant. S’ajoutent à ce chiffre 544 enlèvements parentaux dont 43 % concernent un déplacement vers un pays étranger. Enfin, 1.140 disparitions inquiétantes ont été signalées. Ces dernières recouvrent des situations diverses mais s’apparentent le plus souvent à des fugues longues durant lesquelles le contact avec l’enfant finit par être rompu".
Mathieu Haulbert, 10 ans, a disparu sur la route nationale 85, peu après être sorti du village de Peyroules, à côté de Castellane, le samedi 25 juin 1983 en début d’après-midi. Nicolas Vallauri
Source: La Provence