Emmanuel Macron face à l’impression d’un 14-Juillet gâché (et sans interview)

July 12, 2023
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Benoit Tessier via Reuters Benoit Tessier via Reuters

POLITIQUE - C’était une date cochée sur tous les agendas en Macronie. Pas seulement parce qu’il s’agit de la Fête nationale, mais parce que ce 14 juillet devait marquer un tournant pour Emmanuel Macron, après l’épuisante séquence de la réforme des retraites. L’occasion pour l’intéressé de faire « la synthèse de son action » et le bilan des « cent jours d’apaisement ». Avec un objectif bien précis : repartir sur de nouvelles bases politiques avec, pourquoi pas, un remaniement d’envergure allant jusqu’à un changement à Matignon.

Or, il n’en sera rien. Les émeutes provoquées par la mort de Nahel sont passées par là, et les promesses d’apaisement ont volé en éclat. Résultat : aucune prise de parole du président de la République n’est prévue pour ce vendredi. « D’abord, je n’ai pas coutume de repousser des choses qui ne sont pas programmées », a répondu ce mercredi 12 juillet Emmanuel Macron depuis Vilnius et le sommet de l’Otan.

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Non sans agacement, et en jouant sur les mots, en prétextant qu’il avait évoqué une prise de parole « autour du 14 juillet », et non une expression spécialement calée le jour de la Fête nationale. Avant cette justification, l’Élysée avait mis en avant des raisons d’agenda, alors que le contexte, marqué par une situation particulièrement éruptive, se prête difficilement aux grandes manœuvres politiques.

L’ambiance n’est pas à la fête

Samedi 8 juillet, Élisabeth Borne a reconnu que les jeudi 13 et vendredi 14 juillet sont considérés comme « deux jours sensibles » par le pouvoir. Raison pour laquelle « des moyens massifs » ont été prévus pour empêcher de nouvelles violences urbaines. Depuis Vilnius, Emmanuel Macron a promis d’agir « avec la plus grande détermination » en cas de « débordements » lors de la fête nationale. Gérald Darmanin a annoncé la mobilisation de 130 000 policiers.

Outre ce « dispositif exceptionnel » et quand bien même le ministre de l’Intérieur a dit n’avoir demandé aucune annulation de festivité, l’exécutif a décidé d’interdire de vendre ou d’acheter du matériel pyrotechnique pendant ces deux jours. Si l’objectif d’empêcher des émeutiers de se constituer des stocks de mortiers d’artifices apparaît clair, la mesure donne aussi cette drôle impression de sanctionner de nombreux foyers habitués à fêter la Nation en improvisant un feu d’artifice maison. Les distributeurs du secteur ont d’ailleurs saisi le Conseil d’État pour contester cet arrêté.

Une fébrilité qui montre que l’ambiance n’est clairement pas à la fête. Plusieurs communes échaudées par les émeutes ont décidé de tirer un trait sur leurs festivités. « Est-ce que vous vous rendez compte du recul que cela représente de ne pas assumer la fête nationale ? De ne pas assumer la prise de la Bastille et la fête de la Convention ? », a interrogé ce mercredi 12 juillet sur France inter David Lisnard, maire LR de Cannes et président de l’Association des maires de France. « On renonce à notre Fête nationale en raison de la peur que suscitent les violences potentielles ou les émeutes potentielles de certains. C’est de la part de ces communes, en réalité, un aveu de la perte totale de confiance en l’État », a ajouté Marine Le Pen le même jour, se disant « interloquée » par les annulations de certaines festivités.

« Un pouvoir qui patine »

Empêché par les circonstances de mettre la situation à profit, Emmanuel Macron se retrouve dans l’obligation de faire profil bas, en croisant les doigts pour que le brasier des émeutes ne reparte pas. Une sorte d’immobilisme contraint qui donne l’impression d’un chef de l’État en panne d’inspiration, après avoir enchaîné tant de crises. « La séquence montre qu’il n’est plus le maître des horloges », analyse pour Le HuffPost Mathieu Souquière, expert associé à la Fondation Jean Jaurès, qui se dit « très étonné qu’il ne se soit pas exprimé plus tôt » au lendemain des violences urbaines, comme l’avait fait « avec un discours très républicain et très apaisé » Jacques Chirac après les émeutes de 2005.

« On a l’impression d’un cafouillage, d’une hésitation, de la part du chef de l’État. Ses tergiversations s’observent d’ailleurs sur l’enjeu du gouvernement, où on sent que la question du remaniement (ou non) n’est pas encore tranchée. C’est comme ça depuis sa réélection : un pouvoir qui patine et qui a du mal à maintenir un calendrier, à garder un cap », poursuit Mathieu Souquière. Du côté du gouvernement, on souligne en défense le caractère délicat d’une prise d’initiative dans un tel contexte.

« S’il fait un discours sur l’apaisement à 13 heures et que ça pète le soir, c’est quand même compliqué », justifie un conseiller de l’exécutif, satisfait de l’ajournement de la prise de parole du chef de l’État. « La crise des banlieues a fait dévier la conclusion du film de l’apaisement. Il faut donc écrire une nouvelle fin », poursuit notre interlocuteur, avant d’ajouter : « les Français ont ritualisé la prise de parole du 14 juillet, mais techniquement, la fin des cent jours, c’est lundi ». Un indice ?

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Source: Le HuffPost