Cinéma : après les scénaristes, les acteurs d'Hollywood se mettent aussi en grève
L’échec des négociations entre syndicat et studios concernant une revalorisation des salaires propulse le secteur dans son plus lourd conflit depuis les années 1960.
Rien ne va plus à Hollywood. Après l'échec des négociations entre les grands studios américains et le puissant syndicat des acteurs, qui a dénoncé des propositions salariales «insultantes», les acteurs ont décidé d’entrer officiellement en grève. Une décision qui devrait complètement paralyser Hollywood. «Le conseil national du SAG-AFTRA a voté à l'unanimité un ordre de grève contre les studios et les diffuseurs», a annoncé jeudi soir Duncan Crabtree-Ireland, le directeur exécutif national de ce syndicat qui représente 160.000 acteurs et autres professionnels du petit et grand écran. Les acteurs rejoignent ainsi les scénaristes, déjà en grève depuis début mai.
«Après plus de quatre semaines de négociations», le précédent accord a expiré mercredi soir à minuit sans aucun espoir de conciliation, avait constaté le syndicat SAG-AFTRA, principal représentant des acteurs américains, plus tôt dans la journée. Ses positions sont beaucoup trop éloignées de celle de l'Alliance des producteurs de cinéma et de télévision (AMPTP), qui regroupe des groupes historiques du cinéma comme Disney, NBC Universal, Paramount, Warner Bros Discovery et Sony, et des plateformes numériques comme Netflix, Amazon ou Apple.
Vers un possible report des Emmy Awards
«Les réponses de l'AMPTP aux propositions les plus importantes du syndicat ont été insultantes et ne respectent pas notre contribution capitale à cette industrie. Les employeurs ont refusé de s'impliquer de manière significative sur certains sujets et, sur d'autres, nous ont complètement ignorés», a écrit dans un communiqué publié jeudi le syndicat. Ce double mouvement social réunissant les visages et les plumes de l'industrie cinématographique est une première depuis 1960 à Hollywood.
Les deux corps de métier réclament une revalorisation de leur rémunération, en berne à l'ère du streaming. Ils souhaitent également obtenir des garanties concernant l'usage de l'intelligence artificielle, pour empêcher l'IA de générer des scripts, ou de cloner leur voix et leur image. L'entrée en grève des acteurs est un coup dur pour les patrons des studios et plateformes de streaming. Depuis mai, les seules productions qui ont décidé de tourner le font sur la base de scripts déjà terminés au printemps, sans pouvoir les modifier. C'est notamment le cas du préquel du Seigneur des Anneaux financé par Amazon, Les Anneaux de Pouvoir. Mais, sans comédiens, les tournages ne seront tout simplement plus possibles. Seuls quelques talk-shows et émissions de télé-réalité pourraient se poursuivre.
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Les acteurs ont aussi le pouvoir de handicaper sérieusement la promotion des blockbusters de cet été, comme le très attendu Oppenheimer de Christopher Nolan, dont la première à Londres jeudi va être avancée d'une heure pour permettre à son casting d'assurer les interviews avant le début d'une éventuelle grève. L'absence de comédiens sur les tapis rouges laisserait un grand vide en Californie. Comic-Con, la grand-messe des geeks et amateurs de bande dessinée américains, devrait ainsi se dérouler sans vedettes à partir du 20 juillet à San Diego.
Avant la grève, Disney a expliqué que le lancement de son nouveau film, Le Manoir hanté, serait réduit à un «événement privé» pour les fans lors du week-end en cas de mouvement social. Même la cérémonie des Emmy Awards, équivalents des Oscars pour la télé, prévue le 18 septembre, est menacée. La production envisage déjà de reporter l'événement en novembre, voire en 2024, selon la presse américaine. Car nul ne sait combien de temps le mouvement pourrait durer. Les acteurs n'ont pas fait grève depuis 1980. La dernière grève des scénaristes, qui remonte à 2007-2008, avait duré 100 jours et coûté deux milliards de dollars au secteur.
Meryl Streep, Jennifer Lawrence ou encore Ben Stiller parmi les signataires
Cette double grève confirme ainsi la crise existentielle qui frappe actuellement Hollywood. Fin juin, des centaines d'acteurs célèbres, parmi lesquels Meryl Streep, Jennifer Lawrence et Ben Stiller, ont signé une lettre estimant que leur industrie est à un «point d'inflexion sans précédent». Depuis une dizaine d'années, l'avènement du streaming a bouleversé les rémunérations «résiduelles» des acteurs et scénaristes, découlant de chaque rediffusion d'un film ou d'une série.
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Intéressants avec la télévision car calculés en fonction du tarif des publicités, ces émoluments sont bien moindres avec les plateformes de streaming, qui ne communiquent pas leurs chiffres d'audience et paient un forfait, indépendamment du succès. Sans ces revenus essentiels pour absorber les périodes d'inactivité entre deux productions, les nombreux travailleurs qui n'ont pas le statut d'acteur ou d'auteur star dénoncent une précarisation de leur métier. Le développement rapide de l'intelligence artificielle, qui menace de les remplacer, ne fait qu'ajouter de l'huile sur le feu. Disney a par exemple eu recours à l'IA pour produire le générique de sa nouvelle série lancée en juin, Secret Invasion .
Source: Le Figaro