DSP aérienne, la candidature de Volotea menace Air Corsica
Comme nous l'avions annoncé dans notre édition du 8 juillet dernier, la compagnie espagnole Volotea s'est positionnée sur la délégation de service public aérienne corse (du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2027). Selon nos informations, pour l'heure non confirmées par la compagnie low cost, celle-ci a répondu aux lignes vers Paris-Orly et Marseille depuis les aéroports d'Ajaccio et de Bastia.
Du côté d'Air Corsica, Luc Bereni, président du directoire, déclare avoir déposé "une candidature commune avec Air France pour les 4 lignes Corse-Orly et une candidature d'Air Corsica seule pour les 8 lignes de bord à bord. " Luc Bereni n'a aucun commentaire à faire "sur la candidature éventuelle de tout autre transporteur".
S'il se confirme, le positionnement de Volotea a de quoi susciter les plus vives inquiétudes d'Air Corsica et de ses 660 salariés. Sur un marché structurellement déficitaire, difficile en effet d'imaginer la survie de la compagnie insulaire, détenue à 65 % par la Collectivité de Corse, sans la délégation de service public sur les lignes Paris-Orly et Marseille depuis les deux aéroports les plus importants de Corse.
Réunis ce matin, les délégués et représentants du personnel de la section STC d'Air Corsica réagissent :
"Au sein d'Air Corsica rien n'est officiel au sujet de la candidature Volotea dont nous ne connaissons pas les détails. Nous savons que nos dirigeants ont de leur côté candidaté sur la totalité de l'appel d'offres. À l'heure de l'Europe nous ne sommes pas surpris qu'un low cost arrive sur une destination aussi convoitée. Les salariés sont inquiets d'une possible destruction d'un outil local et d'une détérioration du tissu social et économique de la Corse. Au moment des discussions sur l'autonomie de la Corse, nous serions surpris de perdre la gestion des transports aériens insulaires. Mais nous avons une totale confiance en nos élus".
De son côté le syndicat des pilotes, représenté par Romain Subrini commente : "Nous nous interrogeons sur le timing de cette candidature, pourquoi une compagnie présente depuis plus de 10 ans sur l'île s'intéresse soudainement à la DSP…Leur démarche est on ne peut plus claire, au pire nous avons la DSP, au mieux nous irons au tribunal sur le chemin tracé par la Corsica Ferries...Volotea c'est aussi plusieurs dizaines d'heures dans une aérogare sans pouvoir proposer de solutions, c'est déjà inacceptable quand il s'agit de touristes, mais que va-t-il se passer quand il va s'agir d'enfants voyageant seuls, de personnes âgées ou diminuées par un traitement médical lourd ? Est-ce que c'est ça que l'on souhaite pour un service public ? Volotea en approche de la DSP ? Qu'il fasse ce qu'ils font de mieux sur nos terrains : qu'ils remettent les gaz !"
La candidature de Volotea, la première d'un low cost dans l'histoire de la DSP aérienne corse, promet un sérieux casse-tête à l'exécutif de Corse. Cette délégation de service public, qui permet de désenclaver le territoire et de maintenir le développement de l'activité économique de l'île, par le biais de l'enveloppe de la continuité territoriale (187 millions d'euros répartis entre le maritime et l'aérien)- a toujours été assurée par la compagnie insulaire (anciennement CCM) et son partenaire Air France. Au vu de l'enjeu social, économique et politique représenté par cette DSP, il est fort à parier que tout sera mis en œuvre pour empêcher Volotea d'emporter les lignes sur lesquelles elle s'est portée candidate, de manière à assurer la pérennité d'Air Corsica. Mais Volotea a les moyens de se défendre.
Basée à Barcelone, elle est leader du marché français des liaisons domestiques. Elle est présente en Corse depuis l'année de sa création, en 2012. Cette année, elle propose près de 900 000 sièges à destination et au départ de la Corse, desservant 29 routes dont plus de la moitié exclusivement desservie par Volotea. Dans l'interview accordée à Corse Matin le 8 juillet dernier, Gabriel Schmilovich, directeur général de la stratégie de la compagnie expliquait l'attachement de Volotea à la Corse et sa volonté de “renforcer son ancrage” pour continuer de jouer “un rôle majeur dans le développement économique de l'île”. D'ici trois ans, Volotea a l'intention d'atteindre une offre d'1,5 million de sièges sur la Corse et d'ouvrir dix nouvelles routes.
Source: Corse Matin