Le tracé meurtrier de Willy Van Coppernolle, le violeur d’auto-stoppeurs : " On est peut-être passés à côté d’un tueur en série "

July 15, 2023
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RécitCondamné en 1995 à la perpétuité pour l’assassinat d’un enfant et le viol de deux auto-stoppeurs, le criminel belge n’a peut-être pas livré tous ses secrets. Le pôle national des crimes en série ou non élucidés de Nanterre l’a inscrit sur sa liste de suspects. Ceux qui ont survécu à ses sévices, persuadés qu’il a fait d’autres victimes, attendent la poursuite de l’enquête.

Pierre a 21 ans en 1981, la vie est belle. Il a traversé l’Allemagne et l’Angleterre en stop, jamais de problème. Il a voté Georges Marchais puis François Mitterrand à la présidentielle et s’est baigné dans une fontaine à Lyon pour fêter la victoire de la gauche. Le 29 mai, ce futur pompier est pris en stop devant les arènes de Fréjus par un homme en Fiat Ritmo rouge, direction Paris.

Le soir, ils s’arrêtent pour casser la croûte en Bourgogne, dans les vignes de Puligny-Montrachet, au bord de la N6. Il fait nuit, il pleut. Selon son récit, l’automobiliste, un gars sympa, lui propose un petit jeu « comme à la colo » : tends le bras gauche devant, plie le bras droit derrière. Pierre s’exécute, pourquoi se méfier ? Le type lui attrape le bras droit, le lui tord, lui colle le couteau ayant servi au pique-nique sous la gorge.

Pierre (qui n’a pas souhaité donner son nom de famille), pourtant sportif, ne peut pas réagir. « Je bouge, il coupe. » Il pense que l’agresseur va le tuer. Son visage est « un masque de Frankenstein, avec le regard vide d’un fou furieux », confie-t-il aujourd’hui. L’homme renforce sa prise sur son bras, ouvre sa braguette, sort son sexe et demande : « Est-ce que tu l’as déjà fait ? » Pierre avait pensé à la mort, pas au viol.

La plainte disparaît

Quand la fellation forcée est finie, le criminel lâche cyniquement : « Si tu veux, tu peux recracher. » En se reboutonnant, il lui assure que « ça aurait pu être pire ». Ils reprennent la route, un gendarme les arrête pour les prévenir qu’il y a des inondations. Le type reste « à l’aise comme Baptiste, imperturbable : pour lui, il n’a rien fait », poursuit Pierre.

Face au représentant de l’ordre, il pourrait hurler, mais quels mots choisir ? « Je n’ai pas compris que c’était un viol, j’étais heureux d’être vivant. » Ils s’arrêtent à Nolay, près de Beaune, pour boire un coup. Au bar, Pierre indique à son agresseur : « C’est fini, je reste ici. » Le type s’en fiche et s’en va. « Un homme glacial, précis, implacable, sans compassion. Un pervers psychopathe, impulsif mais très préparé », analyse-t-il avec le recul.

YANN LE BEC POUR « M LE MAGAZINE DU MONDE »

Quarante-deux ans plus tard, Pierre est un homme costaud, cheveux rares et ras, carré dehors mais en morceaux dedans. Commandant de pompiers à la retraite, il conduit sa Twingo automatique sur la N6 devenue D908 et s’arrête à l’endroit des faits. Sous le soleil, des hommes taillent les vignes. « Ici, c’est de la bouteille à 300 euros », sourit-il.

Les mots se déversent en flot continu pendant des heures, seules de brusques montées de larmes l’interrompent. « Je suis toujours au bord du gouffre. Après ça, on côtoie la folie. On bascule dans un sentiment d’abandon. » Le soir des faits, Pierre file tout raconter à la gendarmerie de Nolay. « J’ai donné le signalement de la voiture, dit : “Il est dangereux, il va recommencer.” Le gendarme m’a répondu : “S’il y a du nouveau, le parquet vous contactera.” » Personne ne rappelle, la plainte disparaît, aucune autorité n’enquête.

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Source: Le Monde