"C'est là qu'a commencé le calvaire" : la martyre de l'A10 victime d'un étouffant huis clos familial
ENQUÊTE SUR L'INCONNUE DE L'A10 (2/3) - Les gendarmes continuent la traque pour identifier la petite martyre de l’A10. Ses parents sont, eux, pris au piège des non-dits et des secrets.
Le corps mutilé de la petite inconnue de l'A10, découvert en 1987 dans le Loir-et-Cher, a hanté plusieurs générations de gendarmes et de magistrats. Chacun a fait de cette enfant la leur. Ils étaient tenus par l'espoir tenace qu'un jour «la petite», qui n'a jamais été réclamée, aurait un nom. Au travers d'archives, de témoignages de personnages clés et d'informations exclusives, Le Figaro lève le voile sur l'une des plus célèbres affaires criminelles françaises.
Tandis que retentit un générique angoissant, Jacques Pradel s’avance sur le plateau, costume bleu nuit, le regard grave. D’une voix solennelle, ce 1er mars 1993, le présentateur vedette s’adresse à la caméra: «Bonsoir à tous. Pour la première fois en France, je vous invite à participer à une émission basée sur l’idée qu’une énigme criminelle peut être résolue grâce à la télévision ou tout du moins, peut bénéficier d'informations nouvelles qui permettront à la vérité de se manifester.» Entouré de professionnels du monde judiciaire, il lance alors son émission «Témoin n°1» qui explore des crimes non résolus dans l’espoir de «réveiller des souvenirs, des consciences».
Habitué à côtoyer le sordide, ce vieux briscard n’a pas hésité une seconde avant de choisir la petite martyre de l’A10 pour le premier numéro. Il a, comme tant d’autres, été frappé par la violence des clichés de l’autopsie. Alors qu’une ordonnance de non-lieu a été rendue en février 1991, Jacques Pradel vient grossir les rangs des enquêteurs obstinés à découvrir la vérité: «On s’était juré de venir à bout de l'énigme, qu’on saurait qui a fait ça», nous retrace-t-il à la terrasse d’un café, tirant de grandes bouffées de cigarette. La «petite» était aussi devenue la sienne.
Une mystérieuse voiture blanche «trois volumes»
Avec ses producteurs, il réussit le pari de convaincre de participer à l’émission tous les protagonistes de l’enquête, procureur, gendarmes, médecin légiste. Parmi les visages que le spectateur découvre à l’antenne, celui de l’unique témoin de l’abandon du corps. Michel Hamel, inspecteur commercial, était sur l’autoroute A10 dans le sens Province - Paris, le 11 août 1987. Il avait contacté les gendarmes aussitôt après avoir pris connaissance de l’appel à témoin. «Mon regard était attiré par une voiture avec un homme qui, au premier abord me semblait faire ses besoins, retrace-t-il la voix terne. J’ai trouvé cela assez surprenant sur la bande d’arrêt d’urgence. En arrivant plus près, j’ai constaté que ce n’était pas le cas, que cette personne semblait porter quelque chose». Un véhicule blanc «trois volumes», un homme «grand, brun», vêtu d'un «pantalon foncé» et d'une «chemise claire»... La description est quelconque, mais les enquêteurs fondent…
Source: Le Figaro