" Le banh mi est le produit du métissage et de la colonisation "

July 17, 2023
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Beaucoup de restaurants « asiatiques » créent la confusion : des spécialités vietnamiennes, japonaises, chinoises, cambodgiennes y cohabitent dans un grand flou géographique et gustatif, qui ne fait pas honneur aux spécialités de ces pays. Avec son associée d’origine singapourienne, Pearlyn Lee, la cheffe Khanh-Ly Huynh, 32 ans, a ouvert à Paris deux établissements qui remettent les pendules à l’heure, et les plats au bon endroit de la carte. The Hood est une cantine chic et cosy où l’on peut dévorer le meilleur poulet frit vietnamien de Paris (réalisé avec des volailles landaises) ou de mémorables gâteaux au pandan (une plante aux feuilles très parfumées). Juste en face, Nonette propose de savoureux banh mi, ces sandwichs vietnamiens composés à partir de baguette et débordant de garniture.

A 9 ans, Khanh-Ly Huynh aidait ses parents, d’origine vietnamienne, dans leur restaurant d’Orléans. Durant ses études, elle se souvient avoir « cuisiné sans fin » pendant son temps libre, sans imaginer en faire un métier. Un ami l’inscrit à son insu à l’émission « MasterChef », qu’elle gagne, en 2015, avant de rejoindre The Hood, où elle mène un combat qui lui est cher : rendre à sa culture asiatique une part d’authenticité.

Quel est votre premier souvenir de banh mi ?

Je me revois dans la Renault 21 familiale rendre visite à mes oncles dans le Morbihan. Mes parents mettaient toujours de côté des banh mi, religieusement emballés dans du papier aluminium. Ils les garnissaient souvent d’un œuf au plat et les assaisonnaient d’arôme Maggi, l’un des marqueurs de la cuisine vietnamienne. A l’époque, je ne me rendais pas compte à quel point les sandwichs de mes parents étaient frais – ils n’utilisaient jamais d’ingrédients surgelés – et délicieux.

Cela peut sembler bizarre qu’un sandwich venant d’Asie du Sud-Est soit réalisé à partir d’une baguette…

L’autre jour, j’ai failli me bagarrer avec un client m’assurant que ce sandwich n’existe pas au Vietnam ! Le banh mi est le produit du métissage et de la colonisation. Il apparaît au milieu du XIXe siècle et se démocratise peu après le départ des Français d’Indochine, au milieu du XXe siècle. Je suis allée au Vietnam pour la première fois en 2014, puis j’y suis retournée à plusieurs reprises : aujourd’hui, c’est vraiment le plat de street food que l’on trouve à tous les coins de rue, généralement dans de petits stands mobiles. On peut aussi bien en prendre au petit déjeuner qu’en pleine nuit. Et même si les tarifs ont beaucoup augmenté, ça reste abordable. Chez Nonette, j’ai gardé cette philosophie : le premier sandwich, à l’aubergine sautée au wok, est vendu 7 euros.

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Source: Le Monde