" Le falafel reste à la mode, il est végan et sans gluten "

July 18, 2023
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Entretien« Un monde de street food » (2/6). A Lille, dans la halle Grand Scène, Bassem Ataya sert avec sa femme, Reem, des boulettes confectionnées selon la recette traditionnelle de Syrie, mais avec des pois chiches de Vendée, au calibre parfait.

« Une autre assiette de falafels, chéri ! » Au premier étage de la vaste halle gourmande lilloise Grand Scène, vibrante de musique et de fresques aux couleurs pop, Reem Ataya slalome entre les tables en bois, prises d’assaut très tôt, face au stand où son mari, Bassem, fait dorer ses boulettes de pois chiches. Le couple semble si à l’aise dans cet exercice culinaire qu’on lui donne facilement quinze ans d’expérience dans la restauration. Alors qu’il y a quinze ans Reem Ataya enseignait le français à l’université de Damas et à l’Institut français, tandis que Bassem Ataya travaillait comme directeur administratif du magazine syrien Chabablek.

En 2012, peu après le début de la guerre dans leur pays d’origine, le couple, accompagné de leur petite fille, Mirah, décide de fuir les violences et les menaces qui agitent la Syrie. Ils s’installent en Egypte avant d’arriver à Lambersart (Nord), en 2014, où la mère d’une ancienne collègue les héberge.

Bassem Ataya, sans emploi, s’active aux fourneaux du domicile. « Chez nous, témoigner de notre affection, de notre amour, passe par la cuisine », explique Reem Ataya. Son mari a de l’entraînement : benjamin d’une famille de douze frères et sœurs, il a très tôt participé à la préparation des tambouilles familiales et aidé ses parents dans le petit restaurant qu’ils tenaient à Damas.

A Lambersart, de fêtes de voisins en soirées caritatives, ses talents de chef ne tardent pas à se faire connaître. Il travaille comme traiteur et participe au Refugee Food Festival, pendant lequel des restaurants ouvrent leurs portes à des réfugiés formés en cuisine. En juin 2021, le couple ouvre Ataya, l’une des dix échoppes de Grand Scène, un grand « marché à manger » dans le centre de Lille, où les boulettes de pois chiches sont les reines de la carte.

Pourquoi vous être spécialisé dans le falafel ?

Reem Ataya : Parce que c’est le plat de street food emblématique en Syrie, celui qui représente le mieux notre pays. Là-bas, on peut en manger presque n’importe où, n’importe quand. On en trouve dans tous les restaurants, mais il y a aussi des établissements spécialisés. Quand on était jeunes, l’un des plus connus à Damas était Ala Kefak : le patron avait fait scandale en mettant ses falafels dans de la baguette, et en tartinant le pain de mayonnaise. Les ados que nous étions adoraient, nos parents détestaient !

Où apparaissent les premiers falafels ?

Bassem Ataya : C’est un sujet assez polémique, car tout le monde tente de s’approprier ce plat, mais les historiens évoquent deux pistes. Le falafel a pu d’abord apparaître chez les coptes égyptiens qui réalisent encore des boulettes à base de fèves appelées « falafels » ou « tamiya », suivant la région où l’on se trouve. Une autre version place l’origine du falafel en Palestine, où cette spécialité se fait à base de pois chiches, comme chez nous en Syrie. Il n’y a pas de source qui permette de trancher le débat. Ce qui est sûr, c’est que c’est un en-cas que l’on peut retrouver aujourd’hui dans presque tout le Proche-Orient, consommé dans du pain pita ou non.

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Source: Le Monde