Henri Tachan, chanteur contestataire et irrévérencieux, est mort à 83 ans
DISPARITION - L’auteur-compositeur-interprète de la scandaleuse Une pipe à Pépé, et de nombreuses chansons à textes engagés, est décédé le 16 juillet.
«Le lion est lâché. Écoutez le rugir... Celui-là rugit fort et rugira longtemps...». C’est ainsi que Jacques Brel voyait Henri Tachan qu’il avait aidé au début de sa carrière. L’auteur-compositeur-interprète à la veine libertaire - et aux textes tantôt grivois et scandaleux, tantôt tendres - est décédé le 16 juillet à l’âge de 83 ans.
Difficile, en ces temps où les mots sont comptés et pesés avant d’être diffusés sur les réseaux sociaux, de saisir quel esprit libertaire et anticonformiste a animé toute la vie d’Henri Tachan. Pour ce saltimbanque, déplaire n’était pas forcément un défaut. Ce trait de caractère séduira les historiques caricaturistes de Charlie Hebdo - Cabu, Gébé, Reiser, Willem et Wolinski -, qui virent en lui une sorte de frère de contestation. Quant à ses confrères des cabarets de la rive gauche, Léo Ferré, Georges Brassens, et bien sûr Jacques Brel qui s’amusait de ses outrances, ils lui ont toujours fait montre d’une belle complicité teintée d’une pointe d’admiration.
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Henri Tachdjian voit le jour le 2 septembre 1939 à Moulins dans l’Allier, chère au commissaire Maigret de Simenon. Après avoir passé son enfance et son adolescence dans une école catholique, - une période de sa vie qui fera de lui un «bouffeur de curé impénitent», – il commence à faire des petits boulots avant que, très vite, le besoin de s’évader ne l’envahisse. En 1962 il part à Montréal pour travailler, comme homme à tout faire, dans un cabaret. Claude Léveillée, un artiste québécois remarque son esprit pointu. Poussé par ce pygmalion, Tachdjian devient Tachan, prend la plume et ose monter sur scène. Brel, le noctambule, s’arrête un jour dans cet antre de chansonniers. Il est époustouflé par le talent de ce débutant. Jamais avare de générosité, le Grand Jacques le présente à Eddy Barclay en 1965. La même année Henri Tachan recevra la plus haute récompense de la profession, le grand prix de l’académie du disque français.
Son impertinence est alors dans l’air du temps, dans l'esprit de Mai-68. Juliette Gréco, Félix Leclerc, Pierre Perret (avec qui il montre parfois une fraternité de style mais en plus caustique) et même Georges Brassens lui offrent les levers de rideaux de leurs récitals.
Mais cette provocation systématique, presque outrée, ne séduit pas tout le monde. Et surtout pas les patrons de la télévision publique qui n’en veulent pas à l’antenne. Ce bannissement amusera ce poète maudit qui finalement pourra laisser libre cours à son anticonformisme antibourgeois, anti-flics, antitout. Certainement pas dénué du sens de l’autodérision, il en rira en constatant qu’il était passé sans crier gare du statut d’artiste engagé à celui d’artiste «dégagé».
Suivi fidèlement voire adulé par les amoureux des beaux textes et de ceux, quelle que soit leur idéologie, qui ont gardé le goût de l’impertinence Henri Tachan continuera jusque dans les années 2000 à chanter Mon C...sur la commode ou J’aime les histoires d’amour... sans jamais vraiment se prendre au sérieux. Et c’était ça qui aura fait tout son charme et son talent.
Source: Le Figaro