" Sophie Rollet contre Goodyear ", sur Arte : le long combat d’une veuve devenue lanceuse d’alerte
Sophie Rollet dans le documentaire « Sophie Rollet contre Goodyear », de Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade. WHATSUPFILMS
ARTE – MERCREDI 19 JUILLET À 22 H 35 – DOCUMENTAIRE
Documentaristes expérimentés, Sylvie Gilman et Thierry de Lestrade n’ont pas l’habitude de se lancer dans un projet à partir d’un article de presse. Mais, en juillet 2020, lisant dans Le Monde l’histoire de Sophie Rollet racontée par Gérard Davet et Fabrice Lhomme, elle leur est apparue comme « extraordinaire ».
De fait, l’histoire de cette discrète assistante maternelle dans le Doubs méritait d’être également mise en lumière à l’écran. Car le combat de cette mère de famille devenue veuve après le décès de son mari, chauffeur routier, à la suite de l’éclatement d’un pneu défectueux sur l’autoroute A36, en juillet 2014, constitue une aventure hors du commun.
Son combat, douloureux, elle le mène depuis huit ans face à l’américain Goodyear, le géant mondial du pneu, dont le chiffre d’affaires en 2022 s’élevait à 20,8 milliards de dollars (18,5 milliards d’euros).
Une version moderne de David contre Goliath ? « Nous avons été stupéfaits par le cheminement de cette femme qui, peu à peu, devient une enquêtrice hors pair, explique Sylvie Gilman. A partir de simples articles de presse relatant des accidents de camion, elle va tirer des fils, et émettre des hypothèses qui mettent en cause une multinationale. »
Problème potentiel de fabrication
Construit avec rigueur, faisant témoigner amis proches, journalistes, avocat, ce documentaire se regarde comme un polar. En juin 2015, la réception du PV d’enquête n’apporte aucune réponse sur les circonstances précises de l’accident mortel.
A partir de là, on suit Sophie Rollet, les yeux encore noyés de chagrin, rechercher toutes les nuits sur son ordinateur les récits d’accidents de poids lourds dus à l’éclatement de modèles similaires de pneus. D’abord en France, puis en Europe. La liste s’avère longue.
Il faudra attendre octobre 2016 et le dépôt de plainte pour homicide involontaire pour que Sophie Rollet, bien aidée par l’avocat Philippe Courtois, obtienne une première victoire, avec l’obtention d’une expertise judiciaire. En janvier 2020, les conclusions du rapport d’expertise sont formelles : le pneu avant gauche du camion conduit par le mari de Sophie était bien « entaché de vices ».
Au fil de son enquête, Sophie Rollet découvre un document interne à la multinationale, qui prévoit un programme d’échange commercial des pneus soulevant un problème potentiel de fabrication. Un simple échange commercial plutôt qu’un rappel de produit, qui aurait peut-être provoqué la panique ? Et pourquoi Goodyear signe-t-il avec les familles de certaines victimes des accords comportant des clauses de confidentialité ?
Le long combat de Sophie Rollet n’a pas été mené en vain. « Le travail considérable de Mme Rollet a ouvert les yeux de la justice », souligne un procureur en août 2022. Il reste maintenant à poursuivre l’enquête sur ces nombreux pneus défectueux, toujours en circulation. Un travail à une échelle mondiale.
Source: Le Monde
