En Italie, une représentation de " La Bohème " au Festival Puccini tourne à la controverse politique

July 20, 2023
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Le chef d’orchestre italien Alberto Veronesi jouant « La Bohème » de Giacomo Puccini devant le Teatro alla Scala, à Milan, le 20 avril 2021. MIGUEL MEDINA / AFP

Les spectateurs du Festival Puccini à Torre del Lago (Toscane) se souviendront longtemps de la première de La Bohème, vendredi 14 juillet. Ce soir-là, l’opéra créé à la fin du XIXe siècle par le maestro italien, mis en scène par le Français Christophe Gayral, ne raconte pas la jeunesse du Paris de 1830 mais celui de Mai 68. Une mise en scène audacieuse dont l’acte IV se déroule notamment sur fond d’affiches estudiantines et de portrait du général de Gaulle, des décors signés par Christophe Ouvrard.

Ce n’est pourtant pas la mise en scène qui a fait parler d’elle ce soir-là, mais le comportement du chef d’orchestre, Alberto Veronesi. A la grande stupéfaction du public, celui-ci monte sur scène les yeux bandés, jurant « ne pas vouloir voir » un Puccini présenté de telle manière.

Une scène presque burlesque qui a provoqué la colère de plusieurs spectateurs, traitant le chef d’orchestre de « bouffon », et l’invitant à rentrer chez lui. Alberto Veronesi, qui préside par ailleurs le comité d’organisation des festivités pucciniennes (les 100 ans de la mort de Puccini seront célébrés en 2024) a mis en scène son refus d’une chorégraphie qu’il juge « communiste » et qui dénature à ses yeux l’œuvre du compositeur toscan.

« C’est un irrespect total pour les artistes », déplore Christophe Gayral, qui travaille avec l’Italie depuis vingt ans, et qui n’a jamais eu affaire à un tel mépris. « Le projet de mise en scène avait été expliqué oralement dès l’hiver dernier et présenté officiellement le 6 février, tout le monde était au courant y compris le chef Veronesi », poursuit le metteur en scène.

Président du Festival Puccini, Luigi Ficacci dénonce pour sa part « un geste de voyou ». A l’entendre, la genèse du spectacle a été difficile, avec un chef d’orchestre capricieux et versatile. « Alberto Veronesi avait demandé de changer les chanteurs prévus pour pouvoir mettre les siens, une chose impossible car des contrats sont signés. Il a fait ensuite une sorte de chantage en menaçant de saboter La Bohème. »

« Censure d’Etat »

Le coup d’éclat de Veronesi a pris une coloration politique avec l’entrée en scène de Vittorio Sgarbi, sous-secrétaire à la culture dans le gouvernement de la dirigeante d’extrême droite Giorgia Meloni, venu en soutien du chef d’orchestre.

Une semaine avant la première de La Bohème, en présentant le programme des festivités liées à Puccini, celui-ci s’emporte devant la presse, dénonçant « un blasphème et une désacralisation » à propos du célèbre opéra transposé en 1968, « une époque qui n’a rien à voir avec Puccini ». Lors de cette conférence de presse, Vittorio Sgarbi annonce même son intention d’écrire au président de la manifestation pour que le spectacle puisse être empêché. « C’est une chose très grave quand un ministre s’arroge le droit d’intervenir publiquement, qui plus est sans avoir vu aucune répétition du spectacle », s’insurge Christophe Gayral, qui n’hésite pas à parler de « censure d’Etat ».

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Source: Le Monde