Les années 1980 de Gérard Depardieu, une décennie en apesanteur

July 20, 2023
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Enquête« Le cas Depardieu » (4/6). Après le triomphe des « Valseuses », l’acteur devient la coqueluche des plus grands réalisateurs. Il enchaîne les performances. Les années 1980 vont le consacrer : cinéma d’auteur, comédies, polars… tout le monde veut Depardieu, et Depardieu est partout.

La réunion se déroule tous les jeudis matin dans un immeuble cossu situé près des Champs-Elysées, où Artmedia occupe le rez-de-chaussée, le deuxième et le cinquième étage. Sept responsables de la première agence artistique en Europe prennent place autour d’une gigantesque table, avec gros cahiers et agendas. Sans les dizaines de photos de stars accrochées aux murs, on se croirait dans une réunion où se décide l’avenir du monde. C’est là que bat le cœur d’une industrie du cinéma français triomphante qui, dans les années 1970 et la première moitié des années 1980, attire davantage de spectateurs dans les salles de l’Hexagone que le cinéma hollywoodien.

Artmedia représente les plus grands noms : Catherine Deneuve et François Truffaut, Patrick Dewaere et Jean-Paul Belmondo, Isabelle Adjani et Sophie Marceau, Coluche et Miou-Miou. Romy Schneider, aussi. Et Gérard Depardieu. C’est bien simple, à l’exception d’Alain Delon et de Lino Ventura, toutes les vedettes sont « gérées » ici. Elles ont été aimantées par le fondateur de l’agence, le mystérieux et charismatique Gérard Lebovici, qui sera retrouvé mort, en 1984, dans un parking, quatre balles dans la nuque.

Depuis 1982, Artmedia est dirigé par Jean-Louis Livi. Il sait ce qu’est une star. Ce grand Marseillais, cultivé et plein d’esprit, est le neveu d’Yves Montand. Il s’occupe aussi de la carrière de Depardieu depuis 1971. L’acteur surnomme son mentor « le petit œil noir ». De fait, rien, sur la planète cinéma (projets, envies, mouvements, annulations, états d’âme), n’échappe à son agent. Un feu tricolore régente l’accès à son bureau. Quand il passe au rouge, interdiction d’entrer. Jean-Louis Livi est bien placé, en cette année 1982, pour prendre la mesure d’un changement de plaques tectoniques. Fin mai, Romy Schneider, star majeure de l’écurie Artmedia, est morte prématurément, à l’âge de 43 ans, et ce drame a confirmé une sorte de basculement.

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En refermant le dossier de l’actrice, sur sa table de marbre, l’ancien comptable, réputé organisé, constate une impressionnante statistique : au moment de son décès, il n’a qu’une seule proposition de tournage pour elle. Il en a seize pour Gérard Depardieu. « C’est très simple, on le voulait pour tout. »

Des projets pour « Gérard »

Ce statut à part, l’acteur le gagne après Les Valseuses (1974), lorsqu’il enchaîne une dizaine de films majeurs en six ans à peine. La liste est effarante : Sept morts sur ordonnance (1975), de Jacques Rouffio ; 1900 (1976), de Bernardo Bertolucci ; Barocco (1976), d’André Téchiné ; Préparez vos mouchoirs (1978) et Buffet froid (1979), de Bertrand Blier ; La Dernière Femme (1976) et Rêve de singe (1978), de Marco Ferreri ; Maîtresse (1975), de Barbet Schroeder ; Le Camion (1977), de Marguerite Duras ; Mon oncle d’Amérique (1980), d’Alain Resnais ; Le Dernier Métro (1980), de François Truffaut…

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Source: Le Monde