Vacances d'été : Sommes-nous trop injustes avec les prix (quand même bien chers) des billets de train ?

July 20, 2023
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Pour reprendre la célèbre chanson d’Isabelle Pierre, on pourrait décrire classiquement l’été français ainsi : « Le temps est bon, le ciel est bleu, les tarifs du train sont faramineux ». Car à chaque fois que la belle saison pointe le bout de son nez, le problème ressurgit : l’envie d'enfouir ses pieds dans le sable à Marseille, Biarritz ou Nice se confronte à des tarifs prohibitifs de la part du rail français. Une chanson remise au goût du jour avec l’annonce il y a quelques jours, par la SNCF, d'une hausse du plafond de sa carte Avantage. Mais si cet air qu’on fredonne depuis si longtemps était en partie faux ? Autrement dit : est-on trop injuste en disant que « le train, c'est vraiment hyper cher » ? (Oui, on va loin, mais promis, cet article n’a pas été sponsorisé par la SNCF).

Malgré des tarifs jugés « prohibitifs », le train façon bleu, blanc, rouge empile les succès et les wagons complets. Après plus de 23 millions de voyageurs sur les grandes lignes SNCF à l’été 2022, le groupe ferroviaire s’attend à une nouvelle saison record dans les semaines qui viennent.

Des prix moins chers que la plupart des voisins européens

On va éviter le cliché sur le Français grincheux, mais Patricia Perennes, économiste spécialiste du transport ferroviaire, reconnaît un « décalage entre les discours et les actes de vente ». Avant de nous sortir la phrase massue : « C’est faux de dire que le train est trop cher en France. » Quelques comparaisons pour illustrer le propos. Déjà du côté de nos voisins européens, où le rail n’est pas franchement plus rentable. Selon les données de l’Autorité de régulation des transports pour 2021, la France dispose des tarifs les plus bas avec l’Espagne en ce qui concerne les trains librement organisés (c’est-à-dire sans subvention de l’Etat). Comptez les TGV, Ouigo, Lyria, Eurostar et Thalys… Le train ne coûte « que » 9 euros les 100 kilomètres en moyenne.

Certes, cette place s’obtient grâce aux prix cassés des Ouigo, qui offrent une moins bonne qualité de service - et souvent un choix de gares assez éloignées des centres-villes. Mais même en ne prenant pas en compte ces Ouigo, les trains à grande vitesse en France sont à 10,80 euros les 100 kilomètres, inférieurs à l’Allemagne (11 euros), l’Italie (12), la Grande Bretagne (18), la Belgique (23) et le champion toutes catégories, les Pays-Bas (32 euros les 100 kilomètres !). Même constat pour le train conventionné par les régions, où la France fait partie des pays européens les moins chers avec 7 euros les 100 kilomètres, contre 17 pour la Grande Bretagne, 16 pour les Pays-Bas et 11 pour l’Allemagne. « Il y a une méconnaissance du tarif des trains à l’étranger, mais il suffit de se rendre en Angleterre ou en Allemagne pour en voir des bien plus onéreux qu’ici », juge la spécialiste.

« Les gens oublient que les trajets longue distance coûtent cher »

Yves Crozet, économiste spécialiste des transports, en rajoute une couche : non, les prix pour d’aussi longues distances ne sont pas si élevés. Imaginons que l'on souhaite se rendre de Paris à Biarritz, Perpignan ou Bordeaux samedi prochain. Pouf, comme ça, sur un coup de tête, pile au croisement juillet / août. Le tout sans carte de réduction. Bref, absolument tout ce qu’il ne faut pas faire pour obtenir un billet pas cher. Verdict : le direct pour Bordeaux reste moins coûteux qu’un trajet en voiture pour une personne seule (79 euros contre 123 euros, avec essence et péages), et deux heures de trajet en moins.

Idem pour aller à Perpignan (96 euros en train contre 159 en voiture, pour trois heures de moins). Et sans surprise, la même pour Biarritz (130 euros contre 155, avec trois heures de trajet de moins). On reprend la calculette : « Avec abonnement, le train tourne autour de 3 centimes du kilomètre en ce qui concerne les TER, subventionnés par les régions, et 10 centimes pour les TGV. L’essence seule, sans le péage, est à 10 centimes du kilomètre », soutient l’économiste. « Dès qu’il s’agit du train, les gens oublient une évidence : les trajets longues distances coûtent cher. »

L’avion, concurrence déloyale

Alors pourquoi sommes-nous si exigeants ? « Il y a une confusion générale - ou une attente - sur le fait que le train serait un service public, ce qui n’est pas le cas », rappelle Patrica Perennes. « La SNCF est un groupe privé, dont les TGV ne sont pas subventionnés, et qui se doit d’être rentable. On pourrait même estimer qu’au vu du taux de remplissage de ses trains, elle pourrait augmenter encore ses tarifs… »

Mais le vrai biais de ce jugement semble être l’avion. Le train nous paraîtrait-il si cher s’il n’y avait pas eu, en comparaison, des Paris-Venise ou des Marseille-Budapest à 50 euros ? « Le problème, c’est qu’on veut que le train soit moins cher que l’avion pour des motifs écologiques. Mais ça n’a aucun fondement économique », estime Yves Crozet. Même en taxant le kérosène, voler nécessite beaucoup moins d’infrastructures que de rouler sur les rails ... et des temps de trajet bien plus courts, donc moins d’heures de salaires pour tout ce qui est pilotes, stewards...

Le train, pas si ouf quand même

Mais ça, c'était avant, car deux facteurs pourraient mettre un sérieux coup de frein à ce biais. Primo, la fin ou la réduction de certaines lignes aériennes intérieures en France, ce qui élimine de facto pas mal de comparaisons douloureuses pour le train. Deuxièmement, les prix des avions sont en train de flamber, avec une augmentation moyenne de 24 % en un an, selon un rapport de la Direction générale de l’aviation civile, contre 8 % d’augmentation pour les trains, selon l’Insee. Et tout indique que les prix des vols devraient continuer de fortement augmenter dans les années à venir.

De là à exempter le train de tout reproche ? « On ne peut nier que les Français trouvent le train trop cher, et que les tarifs ne sont pas très abordables », pointe Arnaud De Blauwe, rédacteur en chef de l’UFC Que-Choisir. Le taux de remplissage exceptionnel des wagons cet été ne peut être un argument suffisant selon lui : « Après la crise du Covid-19, il y a une sacralisation des vacances et les Français font des arbitrages en ce sens. Ca ne veut pas dire qu’il ne s’agit pas d’un coût énorme, ou que le train est accessible pour tout le monde. »

« Pour les familles, même avec les cartes de réduction, le train peut se révéler extrêmement cher », reconnaît également Patricia Perennes. De quoi imaginer des réductions supplémentaires ? « Il est inutile de baisser le prix du train pour tout le monde. La SNCF doit être rentable, et elle hausse le prix des lignes à gros succès pour baisser le tarif des voies moins populaires. C’est un modèle viable, surtout que les TGV relient principalement les très grandes villes, donc avec des populations aisées pouvant généralement se payer les billets. Mais une aide spécifique serait bienvenue ».

Source: 20 Minutes