Comptes courants : la France a enregistré un déficit historique en 2022
Par Nathalie Silbert
Publié le 20 juil. 2023 à 13:56 Mis à jour le 20 juil. 2023 à 15:00
L'embellie a été « éphémère », a reconnu le gouverneur de la Banque de France François Villeroy de Galhau en présentant ce jeudi le « rapport annuel de la balance des paiements en 2022 ». Légèrement excédentaire en 2021 , le solde des transactions courantes de la France - qui regroupe le solde des échanges de biens et des services et les rentrées et sorties d'argent - a replongé dans le rouge l'an dernier avec un déficit « historiquement élevé » de 53,9 milliards d'euros, soit 2 % du PIB.
Les experts de la Banque de France associent cette contreperformance à la « dégradation exceptionnelle » des échanges de biens liée à la facture énergétique du pays. Sous l'effet de la flambée des prix du gaz et du pétrole, celle-ci s'est alourdie de 70 milliards d'euros, propulsant le déficit de la balance commerciale des biens à un sommet de 137,7 milliards d'euros en 2022, après un « trou » de 67,4 milliards en 2021. « L'indisponibilité du parc nucléaire a coûté 16 milliards d'euros à la balance des paiements », a précisé François Villeroy de Galhau.
Nouvelle détérioration de la compétitivité coût
La compétitivité coût du pays qui se redressait depuis 2010 a recommencé à se détériorer depuis 2019. « La dégradation de la productivité est plus sensible en France qu'ailleurs », soulignent les économistes tout en précisant que « ce mouvement n'est pas lié à l'évolution des rémunérations mais à celle de l'emploi qui est très favorable ».
A l'inverse des biens, les échanges de services ont enregistré l'an dernier un excédent record de 52 milliards d'euros, soit presque deux fois plus qu'en 2019. Le surplus du tourisme a bondi de 4 milliards d'euros à 17,4 milliards, un niveau jamais atteint depuis 2014. Non seulement la clientèle internationale est revenue dans l'Hexagone, mais les Français ont aussi moins voyagé à l'étranger, ce qui a fait chuter leurs dépenses hors des frontières de 13 %. De leur côté, les services de transport ont dégagé un surplus de 21,6 milliards grâce au fret maritime dont les excédents ont encore progressé de 7,5 milliards d'euros (à 29,4 milliards).
« Succès spectaculaire » de la Place de Paris
La France a également affiché un excédent sur les services financiers : celui-ci est même passé de 8,8 milliards d'euros à 10,4 milliards. Si cette amélioration reflète l'augmentation des commissions sur les opérations sur titres et de change en 2022, elle s'explique aussi par le « succès spectaculaire » de la Place financière de Paris depuis le Brexit. « Il s'est accéléré sur la période récente et dépasse nos attentes », s'est félicité François Villeroy de Galhau.
Les entreprises financières délocalisées de Londres à Paris ont ainsi participé à l'excédent des services financiers à hauteur de 1,5 milliard d'euros l'an dernier. En revanche, pénalisés par la remontée des taux d'intérêt, les revenus tirés des investissements ont été ramenés de 54,5 milliards à 46,6 milliards.
In fine, la position extérieure nette de la France s'est améliorée de 143 milliards d'euros l'année passée du fait de « la baisse de la valeur de marché de la dette ». En fin d'année, l'Hexagone affichait une position débitrice de 629 milliards d'euros, équivalant à 23,8 % de son PIB. « Le besoin de financement de la France s'est traduit par des entrées nettes de capitaux de 57,7 milliards d'euros », précise l'institution monétaire. Les investissements étrangers dans l'Hexagone se sont élevés 34,6 milliards d'euros (+ 8 milliards). Les investissements de la France hors des frontières ont, eux, atteint 45,6 milliards.
Marquée par l'onde de choc de la guerre en Ukraine, 2022 devrait rester dans les annales comme une année noire. Dans ses projections, la Banque de France table sur une amélioration du solde des échanges de biens et de services. « L'année 2023 devrait marquer un redressement, avec la diminution de la facture énergétique », écrit-elle. Selon ses experts, le déficit devrait revenir à moyen terme « aux alentours de 2 % du PIB contre 3,2 % en 2022 ». « L'amélioration du solde des transactions courantes sera toutefois moindre », préviennent-ils.
Source: Les Échos