Les débats : Que penser du Tour de Van der Poel ? Nos favoris pour la 20e étape et la lutte pour la maillot à pois

July 21, 2023
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A couper le souffle, de bout en bout : le film de la 19e étape

Que penser du Tour de Van der Poel ?

Amaury Erdogan-Gutierrez

Deux hommes affichent un niveau loin de leur lustre passé (récent ou non) sur cette 110e édition. Si Julian Alaphilippe (Soudal–Quick Step) s’évertue à animer les étapes et à afficher ses liserés d'ancien porteur du paletot irisé, Mathieu Van der Poel (Alpecin-Deceuninck) traverse cette Grande Boucle comme un coureur presque lambda. Presque, car le Néerlandais est encore capable de coups d’éclat, .

Le bilan du maillot vert est probant (4 victoires), mais ce costume semble tout de même trop étroit pour le talent du double vainqueur du Tour des Flandres. Vendredi, le "petit phénomène" était attendu sur une étape taillée pour ses cuisses, mais, vraisemblablement pas dans une forme zénithale, Van der Poel s’est montré discret dans la côte d’Ivory (2,3 km à 5,9%). Douzième sur la ligne à Poligny, le petit-fils de Raymond Poulidor a signé son meilleur résultat sur cette Grande Boucle, tout un symbole.

Dans l’absolu, le bilan n’est pas infamant, mais on ne peut se satisfaire d’une telle impression d’impuissance, surtout à l’aune des performances extraordinaires de Wout van Aert (Jumbo-Visma), protagoniste et dominateur sur tous les terrains. Le Néerlandais est-il déjà entré dans sa préparation pour les Mondiaux en Ecosse (6 août) ? Le concerné assure le contraire. Je me permets d’en douter.

A couper le souffle, de bout en bout : le film de la 19e étape

Christophe Gaudot

Une chose est certaine, son Tour de France n'est pas réussi… eu égard à son statut et à son talent. Un peu comme Wout van Aert, son meilleur acolyte, Mathieu Van der Poel a semblé courir après les bonnes occasions, quitte parfois à en faire trop sur des terrains qui n'étaient pas forcément les siens, comme vers Belleville-en-Beaujolais quand il avait été repris seulement dans la dernière ascension où son gabarit en faisait une proie facile pour ses poursuivants.

Je regrette finalement que MVDP n'ait pas trouvé sa place quand il a eu la liberté de jouer pour sa pomme. Avec un Jasper Philipsen glouton et son talent de poisson-pilote, il a travaillé avec brio pour favoriser les desseins collectifs d'Alpecin-Deceuninck.

Je vais néanmoins tacher de nuancer ce tableau bien noir pour la star néerlandaise. En 2021, pour ses débuts sur le Tour, il avait crevé l'écran, remportant la 2e étape, défendant son maillot jaune dans le chrono et faisant le spectacle. Est-ce vraiment là ce qu'on doit attendre chaque année d'un coureur comme lui ? Briller sur le Tour n'est pas chose aisée et le CV des vainqueurs jour après jour rappelle qu'il est unique. Van der Poel fait ce qu'il peut et cette année, ça ne suffit pas.

Quel vainqueur pour la 20e étape ?

Amaury Erdogan-Gutierrez

Terrassé par un corps insuffisamment forgé pour ce Tour de France dantesque, Tadej Pogacar a reçu une sacrée gifle sur le col de la Loze (17e étape), 24h après un premier K.-O. subi par Jonas Vingegaard (Jumbo-Visma) dans l’effort solitaire. Le Slovène à la mèche rebelle a encore l’âge d’apprendre (24 ans), et l’envie d’une nouvelle victoire a rapidement pris le pas sur la déception d’une troisième couronne piétinée par les pattes frêles de "Vingo". Je vois donc naturellement "Pogi" tout donner pour s’offrir ce lot de consolation dans les Vosges.

Évidemment, il faudra que le réceptacle de l’esprit bouillonnant du natif de Komenda suive. Si c’est le cas, je verrai bien Pogacar demander à ses équipiers d’asphyxier les grimpeurs affamés devant cette dernière occasion de lever les bras. S’il recouvre ses moyens, Pogi et sa giclette n’auront aucun mal à régler un groupe de costauds au Markstein.

Il faudra rassembler les forces vives, dont celles d’Adam Yates, pourtant bien occupé par la défense de sa troisième place au général. Certes, la formation UAE Emirates a échoué dans la même configuration face à Michal Kwiatkowski (INEOS Grenadiers) dans le Grand Colombier (13e étape), mais, avec une semaine de plus dans les jambes, je vois difficilement d'autres échappés réussir un tel tour de force.

Le profil de la 20e étape : Un feu d'artifice pour finir

Laurent Vergne

Pour être tout à fait honnête, plus que d'une prévision, il s'agit d'un souhait. Presque un rêve, parce que l'histoire serait magnifique. Sur ses terres d'entraînement qu'il connaît par cœur, devant un public qui sera totalement acquis à sa cause qui a prévu tout un tas de petites choses en guise d'hommage, comment imaginer plus belle conclusion à la carrière sur le Tour pour Thibaut Pinot qu'une victoire samedi au Markstein ? Ce serait beau, ce serait fou.

Vous pouvez être certain que le Franc-Comtois donnera tout et que la motivation sera totale. Le contexte peut-il le sublimer ? Il le faudra, car, comme toujours en montagne, ce sont in fine les jambes qui parlent. Celles de Pinot, sur ce Tour, ne turbinent pas suffisamment vite pour lui permettre de s'imposer sur un tel terrain. Malgré une place très honorable au classement général (12e), le coureur de la Groupama-FDJ n'a plus les cannes qui lui avaient permis de s'imposer au Tourmalet, à l'Alpe d'Huez ou à Porrentruy. Ce sera dur, ce serait une grosse surprise de le voir lever les bras samedi, mais c'est la dernière occasion de rêver. Alors, rêvons.

D'où vient la Pinot-mania ? "Je l'aime encore plus à chaque défaite"

Qui va remporter le maillot à pois ?

Laurent Vergne

Même si, en théorie, Neilson Powless peut toujours rafler la mise, concrètement, ils sont trois à se tenir en sept points et l'un de ces trois hommes sera sacré "Meilleur grimpeur" du Tour. Trois coureurs au profil différent. Un baroudeur (Gulio Ciccone, 88 points), un membre du Top 10 vainqueur de l'étape-reine (Felix Gall, 82 points) et le maillot jaune Jonas Vingegaard (81 points).

Le Danois ne tentera certainement pas le diable pour un maillot à pois, qui serait un joli bonus, mais il s'attachera surtout à verrouiller sa victoire au général. Tout devrait se jouer entre Ciccone et Gall. Pour eux, la mission sera de prendre la bonne échappée. Si un seul des deux se glisse dedans, il aura fait le plus gros du travail avec 18 points à engranger sur les quatre premières ascensions. S'ils y sont tous les deux, tout pourrait se faire à la pédale entre eux.

Petite interrogation tout de même pour Felix Gall : Quelle latitude lui laisseront les coureurs qui le précèdent au classement général ? L'Autrichien est à 4 minutes du Top 5. C'est beaucoup, mais on a vu des équipes prendre peur pour moins que ça. Même s'il est intrinsèquement le moins bon grimpeur des trois candidats, les circonstances pourraient favoriser Ciccone. Ce sera davantage une lutte tactique que physique.

Giulio Ciccone et Jonas Vingegaard Crédit: Getty Images

Christophe Gaudot

Je ne ferai pas l'erreur d'écarter totalement Jonas Vingegaard de la lutte. Comme l'a dit Laurent, le maillot jaune est dans la course à sa propre sucession. Voilà trois ans d'ailleurs que le vainqueur du Tour remporte aussi le grand prix de la montagne, conséquence directe d'un changement de barème. Mais mon favori est bien Felix Gall.

C'est vrai que l'Autrichien sera scruté contrairement à Giulio Ciccone qui aura une liberté totale de mouvement dans sa quête annoncée avant même le départ du Tour de France. Mais je pense que l'étape de samedi va partir sur un rythme dingue et qu'aucune équipe ne roulera sur Gall puisque tous ses adversaires pour le Top 5 seront avec lui dans l'échappée, le groupe maillot jaune ou le peloton, selon ce que vous préférez.

A mes yeux, Gall est bien plus fort que Ciccone dans cette troisième semaine et si l'Italien pourrait lui contester les points sur les trois premières ascensions du jour, je le pense moins capable d'être encore là dans les deux dernières, celle du Petit Ballon et du Platzerwasel, classée en première catégorie et donc plus généreuse en points.

Source: Eurosport FR