Pourquoi la nomination de Philippe Vigier, ministre des Outre-mer, agace (encore) les Ultramarins
LUDOVIC MARIN / AFP LUDOVIC MARIN / AFP
POLITIQUE - Avant le remaniement, Davy Rimane, député de Guyane et président de la délégation aux Outre-mer de l’Assemblée nationale, réclamait un « ministère de plein exercice ». C’est raté. Au sein du gouvernement Borne 3, les Outre-mer restent sous la tutelle du ministère de l’Intérieur et ce n’est pas le choix du remplaçant de Jean-François Carenco qui va apaiser les parlementaires ultramarins.
Jeudi 20 juillet, le titre de ministre délégué aux Outre-mer est passé aux mains de Philippe Vigier, 65 ans, élu MoDem d’Eure-et-Loir. Le député est une figure du Palais Bourbon, où il est élu depuis 2007, naviguant entre les chapelles centristes. Docteur en pharmacie et biologiste de profession, il a été maire de Cloyes-sur-le-Loir et conseiller régional du Centre-Val-de-Loire.
Un profil qui, sur le papier, ne le destinait nullement à gérer les Outre-mer, comme l’ont fait remarquer nombre de représentants de ces territoires.
« Mise sous tutelle entérinée » et profil sans « cohérence »
« C’est un très mauvais signal. Le profil de Vigier n’est pas du tout en cohérence avec la réalité des territoires », regrette ainsi l’élu GDR Guyane Davy Rimane interrogé par l’AFP. « Il y a eu des joutes verbales à l’Assemblée et un manque de respect, au moment des textes sur la crise sanitaire », ajoute-t-il, alors que l’obligation vaccinale des soignants avait suscité une levée de boucliers dans les territoires d’Outre-mer.
Dans un communiqué commun publié à la mi-journée ce vendredi, 18 députés ultramarins de la NUPES et LIOT ont dit leur « stupéfaction » face « au traitement réservé à (leurs) territoires dans le choix du nouveau ministre ». La nomination de Philippe Vigier qui « n’a aucun rapport, de près ou de loin avec ces collectivités (...) est le signal d’une politique de mépris et d’ignorance des enjeux ultramarins », avait aussi déploré dans un communiqué le groupe parlementaire LFI, qui compte dans ses rangs trois représentants ultramarins.
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Victorin Lurel, sénateur PS de Guadeloupe et lui-même ancien ministre des Outre-mer du gouvernement Ayrault s’indigne lui de voir « la mise sous tutelle des Outre-mer entérinée. » « Cette relégation aura eu raison du volontarisme affiché il y a un an par Jean-François Carenco qui n’a malheureusement pas pu changer la vision minimaliste de l’ambition présidentielle pour le développement de nos territoires », cingle-t-il dans un communiqué.
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En six ans de mandat d’Emmanuel Macron, pas moins de cinq responsables se sont succédé aux Outre-mer. La première d’entre eux, Annick Girardin était la seule élue d’une collectivité d’Outre-mer, Saint-Pierre-et-Miquelon. Par la suite, ni Sébastien Lecornu et encore moins la très éphémère Yaël Braun-Pivet, qui a quitté son poste pour prendre la tête de l’Assemblée, n’ont satisfait à cette demande des Ultramarins.
Plus grave encore : le gouvernement Borne 2 a marqué la fin du ministère des Outre-mer comme un ministère de plein exercice. Le 4 juillet 2022, le « MOM » est passé sous la tutelle du ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin, une décision perçue comme « une régression ».
Un changement 48 heures après la présentation d’un plan d’envergure
À cette critique de forme, s’ajoute celle du fond. La nomination d’un nouveau ministre délégué est intervenue deux jours seulement après la présentation d’un plan, très attendu, de 70 mesures porté par Jean-François Carenco. Parmi les thématiques abordées, se trouvent des sujets aussi cruciaux que le coût de la vie - et la sensible question de l’octroi de mer - l’accès à l’eau ou la vétusté des infrastructures publiques. Des « décisions importantes », a d’ailleurs souligné Emmanuel Macron ce vendredi 21 juillet, en amont du Conseil des Ministres.
Ces mesures ont été en partie « saluées », y compris par les présidents des exécutifs locaux. S’ils ont dit « rester attentifs à leur traduction concrète », ils ont également noté dans un communiqué commun un « dialogue probant » avec Gérald Darmanin et Jean-François Carenco.
Dans ce contexte, le changement d’interlocuteur agace. Les Outre-mer sont « plus que jamais les déconsidérés, occultés au profit du ’jeu politicien’ », cingle même le sénateur RDPI (Rassemblement des démocrates, progressistes et indépendants, dirigé par François Patriat, macroniste) de Guyane Georges Patient, qui partageait deux jours plus tôt un article sur « les annonces fortes » du gouvernement malgré quelques lacunes.
L’Insoumis réunionnais Jean-Hugues Ratenon pointe le « peu d’attention » du gouvernement, avec ce changement « deux jours à peine après la tenue du Comité interministériel des outre-mer ». « Si certains avaient cru pouvoir fonder leurs espoirs sur les mesures annoncées, il semblerait qu’il faille déchanter car ce remaniement sonne comme une rupture », écrivent aussi les élus ultramarins réunis.
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« Je suis dans l’écoute », promet Vigier
Face à ces critiques, Philippe Vigier a mis en avant sa bonne volonté et son expérience d’élu local « à l’écoute ». « J’ai été choisi pour des qualités d’animateur de territoire que je suis depuis longtemps. (...) Je suis quelqu’un qui essaie de construire et qui est dans l’écoute, dans l’action », a-t-il assuré dans sa première interview accordée à la 1ère. Il assure avoir « déjà parcouru » l’ensemble du plan présenté lors du comité interministériel et en avoir « déjà discuté avec pas mal d’acteurs ».
« Ce rapport va nourrir toute l’action que conduira le gouvernement. (...) Le travail qui va être le mien, au travers de ces propositions telles qu’elles ont pu être préparées et en accord avec des élus locaux, va être de faire quelque chose qui permettra le renouveau », promet-il, en reprenant le terme employé par le président de la République lors d’une rencontre avec les élus en septembre 2022.
Quant aux inquiétudes concernant sa méconnaissance des territoires, il les balaye en mettant en avant ses contacts avec les élus ultramarins du groupe UDI lorsqu’il en était à la tête entre 2014 à 2017, ainsi que sa participation, entre 2017 et 2022 à la Délégation aux Outre-mer de l’Assemblée. « J’y étais parce que j’avais envie de mieux connaître ces territoires-là. C’est la raison pour laquelle je travaillais beaucoup à cette époque sur cette délégation-là », déclare-t-il. Il n’en fait cependant plus partie sous la législature actuelle, comme n’ont pas manqué de le souligner les députés LFI dans leur communiqué.
Et « il n’a jamais pris position pour défendre nos territoires », ajoute auprès de l’AFP la députée de la Réunion Nathalie Bassire, membre du groupe indépendant Liot à l’Assemblée. Selon le site de l’Assemblée, aucune des interventions de Philippe Vigier pendant la législature actuelle ne porte en effet directement sur les Outre-mer. Ses derniers travaux sur le sujet remontent à 2021, avec une question au Premier ministre Jean Castex, sur le référendum d’autodétermination, en Nouvelle-Calédonie. Sans oublier, en 2018 un rapport d’information sur la défiscalisation dans les Outre-mer. Des travaux visiblement insuffisants pour convaincre à ce stade de sa légitimité au poste.
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Source: Le HuffPost