" La violence des émeutiers est l’expression de l’absence d’alternative politique "

July 22, 2023
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Au gré de récents mouvements, la violence brute, voire absolue, s’est installée. Elle dispose d’un privilège chez certains des jeunes émeutiers, une minorité de « gilets jaunes » ou encore une partie des djihadistes européens et français, bien que ce soit pour ce dernier exemple sous une forme d’une intensité maximale.

Ces trois séquences historiques laissent aux observateurs le sentiment de faire face à des débordements incontrôlés de rage destructrice (visant non plus seulement des biens, mais aussi les personnes). Ses manifestations peinent à être saisies et se superposent dans nos imaginaires collectifs dans un enchaînement qui questionne la préservation de l’ordre public et les ressorts démocratiques de notre société.

Cette violence diffère de celle étudiée classiquement par les sciences sociales. Par exemple, le célèbre sociologue américain Erving Goffman (1922-1992) attribuait la violence au retour du stigmate (la société stigmatise un groupe dominé et celui-ci, par la violence, retourne le stigmate contre elle). Pour le philosophe français René Girard (1923-2015), c’est le désir mimétique qui est à la source de la violence et c’est un bouc émissaire, attirant sur lui la violence collective, qui permet finalement d’apaiser la société.

La violence s’absolutise et ne trouve aucune médiation

Le bouc émissaire, dans ce dernier cas, est passif et innocent, objet d’un sacrifice qui permet le retour à l’apaisement social. Qui doit être sacrifié aujourd’hui pour retrouver une forme d’harmonie sociale ? Pour les jeunes émeutiers, la police apparaît parfois une cible légitime. Pour les policiers, cette jeunesse violente en est parfois une autre. Aucun ne veut être le bouc émissaire de l’autre, mais chacun se prévaut d’être victime.

Il y a une mimétique des positions victimaires. La violence s’absolutise et ne trouve aucune médiation sociale ou politique, ni même une conflictualisation permettant de sortir d’un cycle de violence. Ainsi, ces jeunes qui commettent aujourd’hui cette violence ne sont pas passifs, loin de là. Leur violence va beaucoup plus loin que celle du retour du stigmate évoquée par Goffman.

Cette nouvelle violence est la réponse impulsive à une société qui les réduit à l’exclusion en leur déniant toute raison d’exister. Mais cette lecture, juste dans une grande mesure, est insuffisante. Il faut aller plus loin et chercher aussi dans l’anthropologie de notre monde moderne l’origine de cette violence aveugle.

Une violence qui a perdu tout sens politique

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Source: Le Monde