" Retrouver Fiona ", de Dalie Farah : toutes les enfances bafouées
Cécile Bourgeon, la mère de Fiona, lors d’une reconstitution de la disparition de sa fille, Fiona, au par Montjuzet, à Clermont-Ferrand, le 17 mai 2013. THIERRY ZOCCOLAN / AFP
« Retrouver Fiona », de Dalie Farah, Grasset, 288 p., 20,90 €, numérique 15 €.
C’est d’abord une affaire de proximité géographique. Le 12 mai 2013, le bruit d’un hélicoptère cherchant une petite fille de 5 ans, Fiona, dans le parc Montjuzet tout proche de chez elle, à Clermont-Ferrand, a comme convoqué Dalie Farah. Après, il y a eu de nombreux effets d’écho biographiques et coïncidences entre la vie, passée et présente, de l’écrivaine, et celle de l’enfant dont on apprendrait quatre mois et demi après la déclaration de sa disparition qu’elle était déjà morte lorsque sa mère, Cécile Bourgeon, avait sonné l’alerte et commencé à mentir devant les caméras.
« Je me sens très vite chez moi dans l’affaire Fiona », note l’autrice, qui y consacre son troisième roman, dernier volet d’une trilogie sur la violence, entamée avec Impasse Verlaine, auquel a succédé Le Doigt (Grasset, 2019 et 2021). L’un retraçait ses jeunes années et les mauvais traitements infligés par sa mère ; le second, prenant prétexte d’un incident, examinait ses rapports ambigus avec l’état de victime.
Dans Retrouver Fiona, on lit ce que laissaient pressentir les deux textes précédents : la certitude, chez Dalie Farah, que « l’enfance n’aime pas les enfants », et met ceux-ci à la merci des adultes, dans une soumission dépourvue de choix. On y entend à nouveau sa rage rentrée à l’égard d’institutions étatiques, qui ne savent pas protéger les plus faibles de leur entourage. On y reconnaît sa voix vive, prompte au sarcasme sec, qui se serre parfois, saisie d’épouvante ou de désespoir face au sort réservé à Fiona, ou à des scènes saisies lors des passages devant la justice de Cécile Bourgeon et de son compagnon et complice, Berkane Makhlouf.
Vérité insaisissable
Dalie Farah assiste en effet à deux des quatre procès, l’un au Puy-en-Velay en 2018, l’autre à Lyon, en novembre 2020. Dans les débats et les déclarations, il est peu question, en réalité, de la petite fille et de ce qu’elle a vécu. De même que son cadavre a disparu, la vérité de Fiona semble insaisissable. C’est un combat de narrations que se livrent les accusés et les avocats, et auxquels participent également les journalistes assistant aux audiences.
Raison pour laquelle « retrouver Fiona » consiste pour l’autrice à faire advenir un récit qui n’éclipse pas l’enfant, mais se préoccupe réellement de la trajectoire ayant mené celle-ci à la mort et tâche de mettre au jour les mécanismes de la violence en allant les chercher à la racine. La tâche est vaste, et Dalie Farah s’en acquitte certes de manière parfois un peu tâtonnante, mais avec un courage et une détermination poignants.
Source: Le Monde