En Argentine, le lithium au cœur des tensions avec les communautés autochtones

July 23, 2023
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Lors d’une manifestation contre une réforme constitutionnelle provinciale, à Purmamarca, dans la province de Jujuy (Argentine), le 17 juin 2023. EDGARDO A. VALERA / AFP

« L’eau vaut plus que le lithium », « Non à la réforme ! », lisait-on, jeudi 20 juillet, sur les pancartes brandies dans les manifestations réunissant plusieurs milliers de personnes dans la province de Jujuy, dans le Nord-Ouest argentin, et à Buenos Aires. Cette nuit-là, la région commémorait la « noche del apagon », « la nuit du black-out » : les coupures d’électricité orchestrées en 1976 par la junte militaire alors au pouvoir, afin de procéder à l’enlèvement, la détention ou l’assassinat de 400 personnes dans la province, dont 33 sont toujours portées disparues.

Cette fois, aux traditionnels gestes mémoriels, organisés pour le 47e anniversaire de cette nuit de terreur, sont venues s’ajouter de nouvelles revendications. Les communautés autochtones de la province s’élèvent contre une réforme de la Constitution locale, menée selon elles au pas de charge, par le gouverneur de la province, Gerardo Morales. Les amendements adoptés en trois semaines, contre les trois mois de débats prévus initialement, font craindre aux communautés indigènes d’être moins bien protégées face à l’avancée de l’exploitation du lithium dans la région.

Mi-juin, des centaines de personnes étaient descendues de la puna argentine, les hauts plateaux andins, vers San Salvador de Jujuy, la capitale provinciale, pour protester contre cette réforme. Le jour de son adoption, le 20 juin, les manifestations organisées devant l’Assemblée constituante avaient été brutalement réprimées, avec un bilan de 96 blessés selon les autorités locales.

« Ce processus constitutionnel a été mené de façon “express”, avec une très faible consultation des communautés autochtones, explique Pablo Gargiulo, avocat membre de Andhes, une association d’avocats du nord de l’Argentine. C’est un sujet sensible car l’Argentine a souscrit à une série de traités et de conventions internationales qui reconnaissent leur droit à être informées des mesures qui peuvent affecter leurs intérêts. »

Perquisitions et arrestations

Cette absence de consultation, dont se défend le gouvernement local, entrerait en contradiction non seulement avec la convention 169 de l’Organisation internationale du travail, ratifiée par l’Argentine, mais aussi avec la Constitution nationale, qui prévaut sur les Constitutions des provinces.

Particulièrement décrié, le nouvel article 67 consacre l’interdiction de couper « des rues et des routes ainsi que toute autre perturbation du droit à la libre circulation des personnes ». Les blocages des routes menant vers le Chili et la Bolivie étant les formes les plus courantes d’actions directes des communautés autochtones, l’introduction de cette nouvelle norme limite fortement leurs possibilités de manifester et de rendre visibles leurs demandes.

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Source: Le Monde