Elections en Espagne : l'enviable bilan économique de Pedro Sanchez

July 23, 2023
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Par Cécile Thibaud

Publié le 23 juil. 2023 à 7:30 Mis à jour le 23 juil. 2023 à 10:32

Le débat économique aura été l'un des grands absents de la campagne électorale espagnole, en vue des élections législatives de ce dimanche. Le Premier ministre sortant, le socialiste Pedro Sanchez, n'a pas réussi à tirer parti de son bilan.

Il aurait pu pourtant afficher l'image d'une Espagne nettement plus en forme que ses voisins, avec la perspective d'une hausse de 2,3 % du PIB attendue cette année, la dynamique de l'emploi - 1,3 million de postes ont été créés depuis la pandémie -, et une inflation ramenée à 1,9 % en rythme annuel.

Niveau d'avant la pandémie

Les experts de la Banque d'Espagne signalent une « résilience notable » et calculent que l'élan se maintiendra, grâce à l'impact du plan de relance, avec une croissance de 2,2 % en 2024 et de 2,1 % en 2025. « La vigueur est plus forte qu'attendu, certes, mais il faut compter avec un effet de rattrapage. Au premier trimestre, le PIB est seulement revenu à son niveau prépandémique », tempère Apolline Menut, économiste chez Carmignac.

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D'autant que le pays continue de traîner le boulet d'un fort déficit, attendu à 3,8 % cette année, et une dette publique à 110 % du PIB. « Le retour à la discipline budgétaire sera l'une des tâches obligatoires du prochain gouvernement », avertit l'économiste Toni Roldan, directeur du centre d'études des politiques économiques d'Esade.

Normalisation

Malgré ces bémols, l'Espagne joue les bons élèves dans la sortie de crise. « Elle avance vers une sorte de convergence avec les voisins européens dans la gestion des adversités », constate Raymond Torres, directeur de conjoncture de l'Institut Funcas. L'image du pays maillon faible de l'euro lors de la crise financière est en train de s'effacer.

« Cette fois, l'Espagne a évité les grands soubresauts et les explosions de chômage qui avaient accompagné les crises précédentes », explique-t-il, en soulignant les filets de protection déployés pour soutenir les entreprises et éviter l'effondrement des classes moyennes, au moment de la pandémie, de la crise énergétique et de l'inflation. « Il s'agit souvent de décisions similaires à celles des pays voisins, note-t-il, mais cette normalité est précisément une grande nouveauté pour l'Espagne. »

Partage des tâches

Toute la politique des années Sanchez aura tourné autour d'un double objectif : donner des gages de sérieux à Bruxelles tout en mettant en place une politique sociale plus généreuse. Le leader socialiste y est arrivé grâce à un efficace partage des tâches, en plaçant aux finances une ex-haute fonctionnaire européenne, Nadia Calvino , chargée de veiller à l'orthodoxie, et au ministère du Travail Yolanda Diaz , une avocate issue du Parti communiste qui s'est révélée habile négociatrice, crédible aux yeux des syndicats et capable de trouver des terrains d'entente avec le patronat.

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Si certains dossiers ont provoqué des étincelles entre les deux ministres , le résultat a été concluant. Avec une réforme du travail qui combat l'emploi précaire, la création d'un revenu minimum vital, l'élargissement de la protection sociale et un salaire minimum relevé de 47 % en cinq ans.

En dépit des mauvais augures qui prédisaient la destruction d'emplois et la ruine des PME, la dynamique d'embauche n'a pas fléchi, reconnaissent aujourd'hui les experts, qui apprécient l'impact positif sur la consommation des ménages.

Plan de relance sur les rails

Tout indique que la croissance sera soutenue grâce à l'arrivée des fonds européens post-Covid, une manne sans précédent de 140 milliards entre subventions et prêts. Après des débuts laborieux, compliqués par une organisation territoriale très décentralisée, le plan de relance espagnol est sur les rails. Le pays a déjà reçu 37 milliards de subventions, en trois tranches successives, dont 13 milliards ont déjà atteint le destinataire final.

Le retour à la discipline budgétaire sera l'une des tâches obligatoires du prochain gouvernement. toni roldan Directeur du centre d'études des politiques économiques d'Esade

Cette efficacité, saluée par la Commission européenne, a été constamment mise en doute par l'opposition, sceptique sur la capacité de gestion du gouvernement de gauche. Dans les faits, pourtant, ces dernières années ont été marquées par le retour de l'Espagne sur la scène européenne, constate Raymond Torres.

Acteur européiste stable au Sud

« Le pays fait entendre sa voix à Bruxelles et il s'est montré très actif sur des dossiers comme l'énergie , les défis climatiques et les nouvelles règles fiscales européennes », relève-t-il. Ce nouveau rôle est sans doute dû en bonne part aux rééquilibrages post-Brexit, et au contrecoup des instabilités italiennes. Il est aussi le fruit des efforts de Madrid pour s'affirmer comme un grand acteur européiste stable au Sud.

En dépit de son bilan, Pedro Sanchez est donné perdant dans les sondages. Mais la meilleure preuve qu'il a gagné la partie sur le terrain économique est que son adversaire, Alberto Nunez Feijoo, a déjà annoncé qu'il jouerait la continuité sur la plupart des dossiers.

Source: Les Échos