En Algérie, la douloureuse sortie de scène d’Issad Rebrab, le " Berlusconi kabyle "

July 23, 2023
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Issad Rebrab, le patron du groupe Cevital, à Alger, en mai 2016. RYAD KRAMDI / AFP

C’est un défilé d’hommes aux visages fermés, certains cachés derrière des lunettes noires. Ils brandissent pancartes et banderoles, entonnent des slogans. Du genre syndicalistes en colère. Sauf qu’ils sont là pour défendre le patron. « Libérez Rebrab, créateur de richesses et d’emplois », somme l’écriteau d’un des manifestants. « On soutiendra Issad Rebrab jusqu’au bout, on demande sa libération immédiate », déclare un autre à la presse locale en ce 23 avril 2019, dans les premiers mois du Hirak, le soulèvement populaire qui secoue alors l’Algérie.

Depuis la veille, Issad Rebrab, 75 ans à l’époque, est en prison. Ce n’est pas son engagement en faveur du mouvement – on a vu ce petit homme chétif battre le pavé, les épaules enroulées dans le drapeau algérien – qui a conduit le fondateur de Cevital, premier groupe privé du pays, derrière les barreaux de la célèbre geôle d’El Harrach. Mais plutôt les années de querelles opiniâtres avec le « système » au pouvoir. Malgré la chute toute récente du vieux président Abdelaziz Bouteflika (1999-2019), c’est encore la « Issaba », son influent clan, qui tire en coulisses les ficelles. Et alors que tout vacille, le milliardaire finit par payer cette relation conflictuelle.

Voilà des décennies que l’entrepreneur à l’éternel costume-cravate bouscule. Un côté mi-Don Quichotte mi-Citizen Kane qui l’amène à défendre, des ministères aux plateaux de télévision, les projets du conglomérat qu’il a bâti. Une hydre aux 28 filiales actives dans l’agroalimentaire, les matériaux de construction, les machines à laver, la presse, la charcuterie halal… Des projets, dit-il, constamment entravés par ses détracteurs, qu’il se garde bien de nommer. « Notre groupe est, à l’instar du peuple, une victime du système et de sa mafia économique », écrit-il sur Twitter quelques jours avant son incarcération. « Je suis (…) très habitué à leurs embûches, à leur acharnement et nous allons continuer de nous battre », déclarait-il déjà en 2016 à propos du rachat contrarié d’un journal.

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Cette ténacité a été la force motrice de Cevital, qui totalisait 2,7 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2022, selon des estimations (soit environ 2,5 milliards d’euros à l’époque). La première fortune d’Algérie vient d’une famille très modeste de Taguemount Azouz, un village niché dans les montagnes, parsemées d’oliviers et de figuiers, de Kabylie. Avant et après l’indépendance, son père part régulièrement gagner sa vie dans l’est de la France comme vendeur ambulant. Il y fait venir son fils pour apprendre la comptabilité dans un collège jésuite.

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Source: Le Monde