On vous dit pourquoi un bateau rouillé est positionné devant le bassin du porte-avions à Toulon
Chaque jour, dans les navettes maritimes qui transportent leur flot de touristes à travers la rade de Toulon, la question revient. "Dis papa, c’est quoi cette épave toute rouillée qui cache le porte-avions?" La plupart du temps, papa n’en sait fichtrement rien. Tout juste reconnaît-il cette silhouette caractéristique d’un ancien pétrolier-ravitailleur de la Marine nationale.
Souvent ancrées dans le fameux "cimetière marin" de Brégaillon, les vieilles coques se font en général discrètes dans la base navale. Les puissants navires de guerre et autres bâtiments militaires ultra-modernes occupent les appontements et les yeux des curieux. Pas cette fois, donc: la présence à l’entrée du port de l’ex-Meuse – puisqu’il s’agit d’elle – interpelle depuis quelques semaines déjà.
Se protéger des menaces asymétriques
Que fait ce bateau en piètre état, retiré du service actif en 2015, juste devant la proue du Charles de Gaulle? Pour le comprendre, il faut savoir déjà que le porte-avions n’est pas en ce moment à sa place habituelle (quai Milhaud 6), mais qu’il se trouve au bassin Vauban pour un arrêt technique prévu pour s’achever mi-novembre. D’ici là, le "Charles" est contraint à l’immobilité.
D’ici là aussi, les "42.000 tonnes de diplomatie" du bateau amiral de la flotte française nécessitent d’être protégées. "La mise en place d’une coque de navire désarmé permet d’apporter une protection physique supplémentaire, et ainsi préserver le bassin et sa porte en cas d’accident d’origine extérieure, en particulier en cas de collision ou abordage par un navire", explique la Marine nationale.
En d’autres termes, les 157mètres de long de l’ex-Meuse forment un formidable bouclier d’acier contre d’éventuelles "menaces asymétriques" venues de la mer. Personne n’a oublié, par exemple, l’attaque menée par Al-Qaida à Aden (Yémen), le 12 octobre 2000. Ce jour-là, une embarcation légère bourrée d’explosifs avait fortement endommagé le destroyer américain USS Cole en lui fonçant dessus.
Une opération récurrente
Mettre en place une telle barrière n’est d’ailleurs pas une opération inédite. En 2008, lors du premier arrêt technique majeur du Charles de Gaulle, c’est l’ex-frégate Suffren et l’ancien bâtiment de soutien santé Rance qui avaient servi de rempart. En 2013, le passage en cale sèche du porte-avions avait été accompagné par l’ex-Bougainville, tout comme en 2017, où avait été ajouté – déjà – l’ancien pétrolier-ravitailleur Meuse.
Six ans plus tard, cette vieille coque n’est pas la seule mesure de sécurité mise en place par les militaires "pour préserver l’intégrité des bâtiments en carénage au bassin". Les autorités évoquent le dispositif permanent de surveillance et de patrouille mené par les fusiliers marins et la gendarmerie maritime pour assurer la protection du port militaire de Toulon, voire les règlements d’usage du plan d’eau, avec les zones interdites à la navigation civile.
La présence d’un barrage de bouées
Autre mesure existante, devant la vieille coque: un chapelet de bouées reliées entre elles par des câbles qui doit pouvoir stopper net une vedette d’une vingtaine de mètres lancée à pleine vitesse, qui aurait échappé aux moyens d’interception. Dans une base où sont concentrés 70% de la flotte de guerre française, autant assurer ses arrières.
Mais au final, rien ne remplace une bonne vieille épave. Surtout s’il s’agit d’"une solution économique qui permet de valoriser ces coques en attendant leur déconstruction", comme l’explique la Marine. Et si ça peut faire causer papa sur la riche histoire de la Meuse, navire lancé en 1978, après tout, autant ne pas se priver!
Source: Var-matin