Pourquoi l'hydrogène rose est promis à un bel avenir

July 23, 2023
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Il y a aussi l'hydrogène bleu, bas-carbone , fabriqué toujours avec du gaz naturel mais dont les émissions de CO 2 sont capturées et stockées. Dans le même registre, il y a l'hydrogène turquoise, qui reste pour l'instant cantonné aux laboratoires, et consiste par pyrolyse à convertir du gaz naturel en hydrogène et en carbone solide.

L'hydrogène n'est pas une source d'énergie. C'est un vecteur d'énergie utilisé parce qu'il est relativement facile à stocker, à transporter, à utiliser et… à fabriquer. En ce sens, il est comparable à l'électricité. Il existe ainsi toutes sortes d'hydrogène que l'on distingue selon la façon dont ils sont produits. Il y a les hydrogènes fortement carbonés, noir ou marron, car fabriqués avec du charbon et du lignite, et gris, de loin le plus abondant aujourd'hui, avec du gaz naturel par vaporeformage.

Il y a l'hydrogène vert, vanté par toutes les politiques publiques, qui consiste à produire la molécule par électrolyse de l'eau (H 2 O) en utilisant de l'électricité décarbonée renouvelable. En apparence, la meilleure des solutions, sauf qu'il faut beaucoup d'électricité car le processus n'est pas très efficace sur le plan énergétique et que l'intermittence des renouvelables, notamment éolien et solaire, ne convient pas vraiment à un fonctionnement optimal des électrolyseurs.

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Il y a une autre couleur de l'hydrogène, l'hydrogène rose (parfois aussi appelé hydrogène jaune), décarboné et produit toujours par électrolyse avec de l'électricité sortant cette fois des réacteurs nucléaires. Et dans une centrale nucléaire, de l'hydrogène peut aussi être fabriqué à partir de la vapeur d'eau.

Il existe enfin une dernière sorte d'hydrogène, le blanc, qui est extrait dans certaines conditions particulières du sous-sol sous sa forme naturelle.

Le facteur de charge

L'hydrogène rose fait évidemment l'objet de controverses de la part des adversaires du nucléaire. Et cela a donné lieu au sein des institutions européennes, pour changer, à un affrontement en règle entre la France et l'Allemagne au cours des derniers mois. La Commission a tout de même fini par qualifier l'hydrogène rose de durable car bas-carbone.

Voilà, entre autres, pourquoi l'hydrogène rose semble promis aujourd'hui à un bel avenir tant ses avantages par rapport au vert sont multiples et évidents. Le facteur de charge des renouvelables éolien et solaire, l'utilisation des installations à leur capacité nominale, est compris en moyenne entre 20 à 40%. Pour le nucléaire, il est de l'ordre de 90% réduisant considérablement les coûts et permettant de fournir une grande puissance électrique de façon continue et sans avoir à investir dans le réseau pour concentrer les productions éoliennes et solaires par nature dispersées. En outre, l'empreinte carbone de l'hydrogène rose est similaire à celle de l'hydrogène vert et même meilleure par rapport au solaire, la fabrication des panneaux laissant une empreinte carbone non négligeable.

Les États-Unis en pointe

L'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) vient d'élaborer un programme d'évaluation pour soutenir le développement de projets d'hydrogène rose dans le monde. Il s'agit d'un outil gratuit qui calcule les économies liées à sa production à grande échelle. Résultats: les initiatives et projets de production se multiplient… aux États-Unis. Le département de l'énergie (DoE) investit d'ailleurs depuis plusieurs années des milliards de dollars pour tester différentes solutions techniques. Il estime qu'un réacteur de 1.000 MW pourrait produire 150.000 tonnes d'hydrogène bas-carbone par an.

Il soutient quatre projets techniquement différents. Exelon, le plus grand exploitant nucléaire du pays, doit faire la démonstration dès cette année d'un "couplage complet sur site", avec l'installation d'un électrolyseur de 1 MW. "L'hydrogène produit sera utilisé sur la centrale, la molécule étant nécessaire au contrôle de la chimie des REB [réacteurs à eau bouillante]." Une généralisation du concept est envisagée par Exelon sur les 14 centrales équipées de réacteurs de ce type qu'il fait fonctionner. Il existe en tout 31 réacteurs à eau bouillante en fonctionnement aux États-Unis.

Energy Harbor a lancé un projet d'installation d'électrolyseur sur une de ses centrales, celle de David-Besse dans l'Ohio. Cette fois, l'objectif est d'évaluer les gains de compétitivité pour les exploitants sur un marché "dérégulé" de l'électricité, qui pourraient choisir de produire de l'hydrogène avec l'électricité produit par une centrale plutôt que de vendre à perte lors des périodes de forte production des sources renouvelables intermittentes. L'hydrogène produit sera utilisé par les flottes de bus de l'État et pour de la production sidérurgique.

Arizona Power System (APS) a lancé de son côté une étude en collaboration avec le DoE pour évaluer l'intérêt d'installer des électrolyseurs réversibles sur sa centrale de Palo Verde. La réversibilité permettrait d'utiliser l'hydrogène produit pour créer de l'électricité avec des piles à combustible en période de pic de demande, la centrale produisant de l'hydrogène lorsque la consommation électrique est faible.

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NuScale fabrique de l'hydrogène avec son SMR

Enfin, le dernier projet est le plus prometteur. L'exploitant nucléaire du Minnesota Xcel a installé un électrolyseur dit à "haute température" sur sa centrale de Prairie Island. Une faible partie de la vapeur du circuit secondaire d'un des deux réacteurs à eau pressurisée est extraite afin de préchauffer l'eau pure de l'électrolyseur permettant un gain d'au moins 33% de rendement énergétique.

Les futurs petits réacteurs nucléaires modulaires (SMR) peuvent aussi être dédiés à la production d'hydrogène. L'entreprise britannique Shearwater envisage d'installer au Royaume-Uni une centrale avec un SMR, conçu par l'américain NuScale associé à un parc éolien en mer et relié à des électrolyseurs. Un petit réacteur NuScale qui produit 250 MW de chaleur et 77 MW d'électricité a été capable lors de tests de fabriquer près de 50 tonnes par jour d'hydrogène rose.

En Europe, EDF avance timidement et envisage de produire de l'hydrogène rose au Royaume-Uni dans sa future centrale nucléaire Sizewell C de 3,2 GW. EDF déclare notamment "qu'une fois que Sizewell C sera opérationnel, nous espérons utiliser une partie de la chaleur qu'il génère (en plus de l'électricité) pour produire de l'hydrogène plus efficacement".

Par Léon Thau

Source: Challenges