Israël dans la tourmente à la veille du vote de la réforme de la justice du gouvernement Nétanyahou
Des opposants à la réforme de la Cour suprême voulue par le gouvernement arrivent devant le Parlement israélien, à Jérusalem, le 23 juillet 2023, après plusieurs jours de marche à travers le pays. OHAD ZWIGENBERG / AP
Pâle sous une épaisse couche de maquillage, Benyamin Nétanyahou se tient seul face à la caméra, dans un bureau de l’hôpital Sheba de Tel-Aviv. Des médecins viennent de lui poser un pacemaker, dimanche 23 juillet. Le premier ministre israélien avait révélé la veille au soir une faiblesse cardiaque, après une première hospitalisation voilà une semaine. Il sourit, se veut rassurant et promet qu’il sera bien parmi les siens, lundi 24 juillet, au Parlement, pour le vote du premier volet de sa réforme de la justice, qui ambitionne de bouleverser l’équilibre des pouvoirs au profit de l’exécutif.
Ce vote est un gouffre, au bord duquel l’Etat juif vacille comme jamais depuis sa création. Peu avant, le chef d’état-major Herzi Halevi a affirmé dans une lettre aux soldats qu’Israël « n’existera[it] plus en tant que pays dans cette région » si l’armée continuait de se fracturer dans les convulsions que suscite la réforme. Des milliers de réservistes, dont quelque 500 pilotes et plus de 1 000 membres du renseignement, ont annoncé durant le week-end qu’ils allaient cesser de se porter volontaires au sein d’une « armée du peuple » qui dépend entièrement d’eux pour son bon fonctionnement, certains immédiatement et les autres si la loi était votée lundi.
Un porte-parole de l’armée a reconnu que si ce mouvement se poursuivait, « la capacité d’intervention de l’armée sera[it] endommagée avec le temps, et que ce pourrait être des dommages majeurs ». Samedi 22 juillet dans l’après-midi, une marée humaine est entrée dans Jérusalem, au terme de quatre jours de marche depuis Tel Aviv et la plaine côtière. Ces dizaines de milliers de manifestants cherchent à contraindre M. Nétanyahou à enterrer la réforme, contre laquelle nombre d’entre eux protestent chaque semaine depuis janvier. Les organisateurs n’avaient réuni que quelques dizaines de personnes pour le départ de la marche, mardi 18 juillet au soir.
Ils comparent leur initiative à la « marche du sel » lancée en 1930 par le Mahatma Ghandi pour arracher l’indépendance de l’Inde à la Couronne britannique. Ils évoquent aussi les marches de Martin Luther King et du mouvement des droits civiques américain. D’autres les ont rejoints, beaucoup de têtes grisonnantes mais aussi des familles, par une chaleur qui frôle ici et là les 40 °C. Certains ont campé dans des villages. Des volontaires les attendaient sur l’autoroute numéro 1 pour distribuer de l’eau, beaucoup d’eau, des vivres et des drapeaux.
Une grève générale à l’étude
Ces joyeux randonneurs ne se font aucune illusion : ce n’est pas un rassemblement de plus qui fera plier la coalition de Benyamin Nétanyahou. Quand bien même les organisateurs ont proclamé samedi soir un record de présence dans les manifestations à travers le pays : 220 000 personnes à Tel Aviv, plus de 500 000 à travers le pays. Mais les symboles comptent en démocratie, et il leur fallait faire migrer les cortèges de la côte, largement acquise à leur cause, jusqu’à la Ville sainte, où les fractures du pays s’étalent à ciel ouvert, où Israéliens religieux, laïques et Palestiniens vivent sans prétendre nullement coexister. « Si cette loi passe, le gouvernement israélien découvrira qu’il a beau légiférer et incarner le pouvoir, il n’a pas de pays, pas de peuple, ils n’ont pas d’armée, ils n’ont pas de police – ils n’ont rien », a lancé l’une des initiatrices de cette marche, Shikma Bressler, physicienne à l’institut Weizmann des sciences.
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Source: Le Monde